Intervention de Michel Houel

Réunion du 26 janvier 2011 à 14h30
Alimentation en eau et assainissement — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Michel HouelMichel Houel, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement.

Ce texte, initialement intitulé « proposition de loi relative à la solidarité des communes dans les domaines de l’eau et de l’assainissement », a été déposé le 18 février 2009 par notre collègue Christian Cambon, que je salue. Il comportait initialement un article unique ; il en compte aujourd’hui deux.

Je reviendrai dans quelques instants sur le contexte dans lequel intervient l’examen de ce texte.

Si l’eau est globalement peu chère en France, par comparaison avec le reste de l’Europe – son coût est de 3, 01 euros le mètre cube chez nous, contre 3, 44 euros en moyenne en Europe –, la facture d’eau constitue tout de même une charge importante, et même de plus en plus importante, pour les plus démunis. Pour environ 200 000 foyers, elle représente plus de 3 % du revenu total du ménage. Or, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, et le Programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, recommandent que la facture d’eau ne dépasse pas ce seuil. Cet objectif a d’ailleurs été repris dans la proposition de loi déposée par notre collègue Evelyne Didier et les membres du groupe CRC-SPG, visant à mettre en œuvre le droit à l’eau.

Je pense d’ailleurs, et je tiens à le souligner, qu’il existe un vrai consensus aujourd’hui sur nos travées, au-delà de nos appartenances politiques respectives, sur cette limite de 3 % du budget des ménages, qui s’inscrit dans la reconnaissance de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit de l’homme, ainsi que l’avait indiqué le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme dans un document paru le 16 août 2007.

Le prix de l’eau a augmenté au cours des dernières années, principalement en raison de normes environnementales de plus en plus exigeantes en matière de qualité. En outre, la disparité des prix de l’eau amplifie ce déséquilibre social, la moyenne départementale oscillant, en effet, entre moins de 2, 5 euros et plus de 4 euros le mètre cube.

Dans ce contexte, le droit à l’eau a été récemment reconnu et affirmé avec force dans une résolution du 28 juillet 2010 de l’Assemblée générale des Nations unies.

Par ailleurs, si le droit à l’eau n’a, en France, le rang de principe ou d’objectif à valeur constitutionnelle que de manière indirecte, c’est-à-dire par l’intermédiaire du droit au logement et du droit à la protection de la santé publique, l’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, dite loi LEMA, adoptée en 2006, a consacré un droit d’accès à l’eau potable pour « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, […] dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

C’est en vue de donner une traduction juridique à ce nouveau droit à l’eau, notamment aux termes « dans des conditions économiquement acceptables par tous », que la proposition de loi de notre collègue visait à renforcer le dispositif d’aide actuellement en vigueur et à remédier aux lacunes qu’il connaît.

J’en viens maintenant au dispositif du texte.

La proposition de loi initiale tendait à renforcer le dispositif curatif actuellement en place en matière de solidarité dans le domaine de l’eau pour les foyers les plus modestes, dispositif qui permet de faciliter l’aide au paiement des factures pour les personnes en situation d’impayés, dans le cadre de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles.

Ce texte partait d’un constat largement partagé : les sommes allouées au volet « eau » du Fonds de solidarité pour le logement ne permettent pas d’atteindre les objectifs fixés, notamment pour ce qui concerne les personnes résidant en immeuble collectif d’habitation. Composée d’un article unique, la proposition de loi initiale prévoyait que les distributeurs d’eau versent une contribution, dans la limite de 1 % de leurs recettes, aux communes et aux centres communaux et intercommunaux d’action sociale, afin de leur permettre d’aider les personnes les plus démunies à régler leurs factures d’eau.

La philosophie de ce texte était donc claire : renforcer en aval le dispositif d’aide au paiement des factures d’eau des plus démunis. La proposition de loi rejoignait en cela la recommandation formulée par le Conseil d’État dans son rapport public de 2010, à savoir « que le droit à l’eau soit complètement mis en œuvre […] au profit des plus démunis ».

Au cours de la navette, ce texte, dont l’article unique a été complété à l’Assemblée nationale par un article supplémentaire, a été amélioré sur plusieurs points.

Tout d’abord, la proposition de loi initiale a été enrichie, en accord avec son auteur, par la commission de l’économie du Sénat : la contribution prévue a été transférée au FSL ; les immeubles collectifs d’habitation ont été inclus dans le périmètre des foyers aidés ; le taux de contribution proposé a été ramené à 0, 5 %, ce qui nous semble raisonnable et largement suffisant, selon notre première estimation ; le dispositif a été étendu aux régies et aux délégataires ; enfin, une information du maire, qui rend un avis au gestionnaire du FSL, a été mise en place.

Ensuite, l’Assemblée nationale, après un examen au fond par sa commission des lois, a modifié puis adopté en séance publique, le 1er décembre 2010, le présent texte, désormais intitulé « proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement ». La mention des communes a été supprimée, dans la mesure où le dispositif prévu assurera davantage une solidarité des gestionnaires des services de distribution de l’eau, et donc des usagers, qu’une solidarité des communes.

Mes chers collègues, je me réjouis que le texte qui revient aujourd’hui devant nous ne remette pas en cause le cœur du dispositif de la proposition de loi, à savoir le principe d’une contribution volontaire des services d’eau et d’assainissement, plafonnée à 0, 5 % des redevances hors taxes.

Le rôle central du maire, s’il a été conservé, a néanmoins été modifié, pour prendre la forme d’une notification des demandes d’aide par le gestionnaire du fonds au maire et au centre communal ou intercommunal d’action sociale, qui peuvent eux-mêmes, en retour, et avec copie au demandeur, lui communiquer le détail des aides déjà fournies et les informations susceptibles de l’éclairer sur les difficultés rencontrées par ce dernier.

La rédaction de l’article 1er a par ailleurs été simplifiée. Il a notamment été précisé que la contribution sera bien imputée sur les budgets des services publics d’eau et d’assainissement et que son inscription dans le code général des collectivités territoriales n’aura pas pour conséquence d’exclure toute autre forme de financement du FSL.

Enfin, l’Assemblée nationale a inséré dans la proposition de loi un article 2, aux termes duquel le Gouvernement devra remettre au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation du texte, un rapport sur les modalités et les conséquences de la mise en œuvre d’une allocation de solidarité pour l’eau.

Lors de nos débats en première lecture, nous avions déjà évoqué cette nécessité d’une action pragmatique à deux niveaux dans le domaine de l’accès à l’eau. Le premier niveau, d’ordre préventif, consiste à faciliter l’accès à l’eau pour les plus défavorisés, afin d’éviter que la facture d’eau représente plus de 3 % de leurs revenus. Le second niveau, d’ordre curatif, a trait à la solidarité et fait l’objet de notre proposition de loi.

Nous sommes tous d’accord aujourd’hui, me semble-t-il, pour que la présente proposition de loi soit complétée, dans des délais très brefs – j’insiste sur ce point –, par l’adoption d’un volet préventif. Le rapport du Conseil d’État que je citais tout à l’heure préconise ainsi « que le débat sur la tarification sociale et l’accès des plus pauvres et des sans-abri à l’eau soit traité sous toutes ses facettes avant le Forum mondial de l’eau qui se tiendra à Marseille en 2012 ».

Le Comité national de l’eau, vous le savez, s’est emparé des questions relatives à la prévention, et plusieurs pistes ont été dégagées. Des propositions de loi ont été déposées sur le sujet. Je crois néanmoins que le délai de six mois laissé au Gouvernement pour nous remettre un rapport lui permettra de mettre à plat les différentes solutions envisageables, ainsi que de consulter les collectivités territoriales, les fédérations représentant les opérateurs de l’eau et les organismes sociaux.

Un grand nombre de points techniques doivent notamment être étudiés. Le Comité national de l’eau, par exemple, dans son avis de décembre 2009, a identifié les caisses d’allocations familiales comme possibles opérateurs. Cependant, ces dernières semblent réticentes à l’idée de se voir attribuer cette nouvelle mission.

Lors des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, le Gouvernement s’est par ailleurs engagé, en contrepartie, à présenter, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, les modifications législatives nécessaires qui en découleront. Pouvez-vous ainsi, monsieur le secrétaire d’État, renouveler sur ce point l’engagement ferme du Gouvernement à traiter du volet préventif de l’accès à l’eau pour les plus démunis dans de brefs délais ?

Pour conclure, je dirai que nous avons aujourd’hui un texte qui renforcera de manière significative le dispositif curatif d’aide au règlement des impayés des factures d’eau des ménages les plus fragiles et qui replacera les communes au centre de ce système d’action sociale. Il est à mon sens nécessaire d’adopter cette proposition de loi en l’état, afin que le volet préventif, pour lequel le Gouvernement s’est engagé à faire des propositions législatives concrètes à la fin de l’année, puisse rapidement venir compléter le dispositif. Je crois que nous pourrons alors nous reposer sur un système complet d’aide aux foyers les plus démunis en matière d’accès à l’eau. Le volet préventif n’exclue pas le volet curatif, bien au contraire : les deux se renforcent mutuellement pour permettre une mise en application concrète du droit à l’eau consacré par la LEMA de 2006.

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