Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la deuxième lecture dans notre assemblée de cette proposition de loi relative à la solidarité dans le domaine de l’eau intervient près d’une année après la première. Si nous ne contestons pas la durée du processus législatif en elle-même, nous regrettons que ce délai n’ait pas été mis à profit pour élaborer un dispositif global, composé à la fois d’un volet curatif et d’un volet préventif. Nous en avions le temps, mais, semble-t-il, pas la volonté…
Le droit à l’eau est pourtant un droit fondamental, défini comme tel par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, la LEMA, dans son article 1er. Toutefois, celui-ci n’a toujours qu’une valeur déclaratoire, aucun dispositif ne permettant de lui donner une portée effective à ce jour, en dépit de tous nos efforts en ce sens.
Conformément aux préconisations de l’ONU et de l’OCDE, le budget consacré à l’eau ne devrait pas dépasser 3 % des ressources d’un ménage. Il faut rappeler que si la facture d’eau représente en moyenne 0, 8 % des ressources d’un ménage, elle s’élève à 5 % du revenu pour un allocataire du RSA.
Dans ces conditions, le consensus qui semble se dégager s’agissant de la nécessité de renforcer le volet curatif du droit à l’eau et de créer un volet préventif permettant de garantir juridiquement ce dernier constitue un progrès.
Cependant, le texte qui nous est présenté aujourd’hui, s’il représente une petite avancée, n’est pas la concrétisation du droit à l’eau.
Intéressons-nous tout d’abord au volet préventif. Celui-ci n’a pas beaucoup évolué depuis la première lecture du texte au Sénat, et les remarques que nous avions faites à l’époque restent d’actualité. Nous estimons ainsi que l’article 1er de la présente proposition de loi ne fait que préciser les dispositions prévues à l’article 6-3 de la loi de 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, qui permet déjà aux services publics de l’eau d’abonder le FSL. Vous avez parlé de sécurisation juridique, monsieur le secrétaire d’État, dont acte ! Néanmoins, il ne s’agit là que d’une faculté, et le dispositif repris par ce texte n’est malheureusement pas plus contraignant. Il ne fait, en effet, que définir un plafond de contribution, qui a d’ailleurs été réduit en première lecture à 0, 5 % du montant hors taxes des redevances d’eau ou d’assainissement perçues ! Nous proposerons donc de relever ce taux maximal à 1 %.
Sur le fond, il y a fort à craindre que la générosité des délégataires ne soit pas plus au rendez-vous demain qu’aujourd’hui. Actuellement, la contribution de ceux-ci, apportée par le biais d’abandons de créances – nous savons d’ailleurs que le nouveau dispositif leur permettra finalement de faire des économies ! –, s’élève à 3 millions d’euros, sur un total de facturation avoisinant les 12 milliards d’euros. Il s’agit de sommes extrêmement importantes ! Avec l’adoption du présent texte, la contribution des délégataires pourrait atteindre 50 millions d’euros, ce qui reste, on en conviendra, raisonnable.
Cependant, cette contribution n’étant pas obligatoire, il appartiendra aux collectivités de l’imposer à leurs délégataires, ce qui ouvrira la voie à des différences notables selon les régions. Pour cette raison, nous pensons qu’instaurer une obligation législative aurait été plus simple et, surtout, aurait garanti une application non différenciée du dispositif sur l’ensemble du territoire.
De surcroît, le dispositif du texte ne permettra pas de remédier aux dysfonctionnements actuels du FSL. Aujourd’hui, en effet, il n’existe pas de volet « eau » dans tous les départements. De plus, seules peuvent être aidées à ce titre les personnes disposant d’un compteur individuel, ce qui exclut de fait les 43 % de la population vivant en habitat collectif.