Intervention de Paul Raoult

Réunion du 26 janvier 2011 à 14h30
Alimentation en eau et assainissement — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Paul RaoultPaul Raoult :

J’ajoute que, aujourd'hui, plus de la moitié de la facture d’eau est imputable à un service qui n’était pas rendu auparavant, à savoir le traitement des eaux usées. Ce mouvement, qui a démarré dans les années soixante-dix et qui s’est amplifié dans les années quatre-vingt, est loin d’être terminé. Les investissements dans le traitement des eaux usées restent colossaux. Dans ma région, par exemple, le projet de station d’épuration de Marquette, d’une capacité supérieure à 500 000 équivalents habitants, pèsera lourdement dans le budget de l’Agence de l’eau Artois-Picardie, et la communauté urbaine de Lille sera contrainte d’ajuster ses prix pour faire face à la dépense.

Depuis une dizaine d’années, la régie de mon syndicat intercommunal, qui gère 700 communes et 180 petites stations d’épuration, augmente régulièrement le prix de l’eau, et ce sera encore le cas l’an prochain, car il est absolument nécessaire de continuer à investir dans les stations d’épuration.

Le prix de l’eau augmente, et continuera d’augmenter, pour des raisons structurelles, même s’il est vrai que certains grands groupes privés réalisent parfois des profits exagérés. Et je n’évoque même pas les incidences des investissements nécessaires pour veiller à la qualité de l’eau, pour réaliser des interconnexions de nature à garantir la sécurité de l’approvisionnement et à constituer des réserves suffisantes pour faire face aux périodes de sécheresse.

Alors qu’ils doivent financer des investissements en progression constante, les élus sont par ailleurs confrontés à une pauvreté accrue, qui prend parfois des allures dramatiques. Certains ménages que nous rencontrons dans nos permanences ont complètement démissionné. Eu égard à la faiblesse de leurs revenus, ils savent qu’ils ne pourront jamais régler leur facture d’eau et, bien souvent, ils ne font plus aucun effort. Face à une telle situation, il est devenu nécessaire de légiférer.

Avec la baisse de la consommation d’eau par ménage, les distributeurs d’eau, qu’ils soient privés ou publics, voient leurs recettes diminuer. Ils ont donc tendance à faire pression sur les usagers pour obtenir le paiement des factures. Dans le même temps, les moyens de recouvrement du Trésor public s’affaiblissent ; l’État se désengage. Ainsi, bien que le nombre de factures impayées augmente, les recours des distributeurs diminuent, alors même qu’ils doivent investir, et les admissions en non-valeur s’accumulent jusqu’à former un volume financier considérable. Il nous faut donc réagir !

Face à cette situation, l’on nous présente des dispositions de nature curative : on essaie de réparer le mal en mobilisant les fonds de solidarité pour le logement, alimentés par une contribution volontaire des opérateurs de l’eau, mais parfois aussi en sollicitant les conseils généraux et les communes. Si le renforcement du rôle des FSL est judicieux, il reste néanmoins très insuffisant, car certains départements n’ont toujours pas créé de FSL, que ce soit par indifférence ou par manque de moyens, et ceux qui en ont créé un n’ont pas toujours un volet « eau ». De plus, d’un département à l’autre, on constate d’importantes disparités dans le montant des aides.

La présente proposition de loi, certes intéressante, demeure largement perfectible. Aujourd’hui, environ 50 000 ménages bénéficient d’une aide pour l’eau d’environ 130 euros par an, ce qui est très insuffisant. Selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, 100 000 ménages devraient être aidés, pour un montant largement supérieur.

Le système préventif qui nous est promis depuis longtemps doit absolument être mis en place. Il est devenu une nécessité pour les ménages qui touchent le revenu de solidarité active, par exemple, ou pour les personnes âgées qui perçoivent une faible pension de réversion. Certes, les centres communaux d’action sociale, les CCAS, interviennent ; mais hors des grandes agglomérations, dans les vastes espaces ruraux périurbains, leurs moyens financiers sont très faibles.

L’eau n’est pas une marchandise comme les autres, elle est un bien sacré : il faut donc trouver des solutions pérennes pour en faciliter l’accès.

Dans cet esprit, la mensualisation des factures devrait être privilégiée. Certains distributeurs n’établissent qu’une ou deux factures par an, ce qui ne permet pas l’étalement des paiements.

On peut également envisager de minorer le prix des vingt ou des cinquante premiers mètres cubes d’eau consommés. Cependant, la FNCCR considère que cette pratique, qui est en vigueur dans certaines villes et dans d’autres pays, n’est pas porteuse d’égalité sociale dans la mesure où des personnes seules ayant une faible consommation peuvent très bien disposer de revenus élevés.

On pourrait aussi, comme l’ont fait certaines communes, installer de bornes-fontaines où chacun peut se ravitailler librement, ce qui permet d’atténuer les difficultés liées aux coupures d’eau.

En fait, la seule solution est d’assurer un financement pérenne en faveur des plus démunis, sur le modèle de l’aide personnalisée au logement, l’APL. À cette fin, il convient de prendre en compte la composition des ménages et le niveau des ressources.

Si ce dispositif d’aide est mis en œuvre rapidement, ce que je souhaite, il faudra déterminer les modalités de sa gestion administrative. Peut-être faudra-t-il taper du poing sur la table, monsieur le secrétaire d’État, pour que les caisses d’allocations familiales, les CAF, et la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, collaborent avec les distributeurs d’eau, publics et privés, et avec les communes. Nous ne pourrons mettre en place ce service que si les CAF en sont pleinement parties prenantes. J’ai cru comprendre qu’il fallait s’attendre à des résistances… Or, une collaboration totale est indispensable pour que le système puisse fonctionner.

Il faut donc trouver une solution simple, juste, sensée. Certes, les distributeurs d’eau doivent tirer de leur activité un profit raisonnable qui leur permette d’assumer les investissements nécessaires, présents et à venir, mais il faut aussi faire en sorte que la facture des usagers soit juste et admissible, c’est-à-dire en relation avec leurs revenus.

Quoi qu’il en soit, dans les mois qui viennent, je souhaite qu’une solution soit trouvée pour que les 100 000 ménages les plus démunis aient réellement accès à l’eau dans des conditions dignes et que personne ne soit laissé sur le bord du chemin.

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