Nous tâcherons malgré tout d'aborder la question du RSA et de son expérimentation de façon constructive.
La réduction de la pauvreté par l'emploi que vise le RSA est une logique que nous pouvons partager. Nous savons tous, en effet, que l'accès à l'emploi est la voie souhaitable de sortie des minima sociaux, car l'emploi est synonyme d'intégration sociale et d'estime de soi.
Pour autant, du fait de la précarité croissante du marché du travail, bien des emplois ne garantissent plus un revenu décent. Nous avons vu réapparaître des travailleurs pauvres, qui travaillent, certes, mais trop peu pour générer un revenu suffisant. Selon une étude de la DRESS, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, 20 % des actifs employés perçoivent un revenu inférieur à 75 % du SMIC.
Aux bas salaires désormais chroniques s'ajoutent d'autres obstacles à l'emploi. Dans certaines configurations familiales, notamment, l'emploi partiel n'améliore pas la situation du ménage. Dès lors, l'idée qu'une rémunération de remplacement peut venir compléter de trop faibles revenus du travail présente un intérêt.
Avec le RSA, il nous est proposé d'orienter la redistribution autour de deux variables essentielles : la quantité d'activité et la situation familiale. À ce titre, la formulation est digne d'intérêt.
Elle reconnaît tout d'abord le rôle des transferts sociaux dans la réduction de la pauvreté ; c'est une idée plutôt progressiste, la seule dans ce projet de loi, d'ailleurs.
Le RSA se veut ensuite un dispositif adaptable aux situations vécues et non plus défini en fonction de grilles administratives uniformes, prenant ainsi en compte la pluralité des bénéficiaires des minima sociaux.
Enfin, le RSA donne la priorité aux emplois de droit commun dans le secteur marchand, loin des dispositifs parfois illusoires de contrats aidés, dont les plus récents n'ont d'avenir que le nom ou qui, tel le RMA, le revenu minimum d'activité, font effectivement le minimum.
Bref, les perspectives du RSA sont intéressantes. Encore faut-il faire d'un principe intéressant une réussite pratique. Pour cela, il importe de lever quelques zones d'ombre : en particulier, comment construire un dispositif opérationnel sur la base de mécanismes complexes et parfois contradictoires entre eux ?
Cette difficulté n'a d'ailleurs pas échappé aux concepteurs du projet, qui ont voulu l'essayer avant de l'adopter, en l'occurrence avant de l'étendre. Une certaine prudence est de mise tant d'aspects de la mesure étant encore imprécis.
Les questions qui demeurent sont de deux ordres.
Elles concernent, en premier lieu, l'expérimentation. Les départements doivent s'y investir sans réserve pour qu'elle soit couronnée de succès. Cela passe par l'instauration d'une relation de confiance avec l'État.
Les conseils généraux ont en effet été échaudés par la gestion antérieure de la décentralisation du RMI. Tous les comptes ne sont pas encore soldés et les départements attendent toujours, madame la ministre, le remboursement d'une part non compensée des dépenses des années passées, estimée à près de 1 milliard d'euros.
Il ne faudrait pas que des ambiguïtés similaires s'immiscent dans l'expérimentation du RSA. Pour cela, il convient d'être clair sur la participation de l'État au financement de l'expérimentation, qui doit être précise et pérenne, ce qui n'est pas dans le texte. Je note que le rapporteur pour avis, M. Alain Vasselle, est en accord avec cette requête et présentera un amendement en ce sens.
En deuxième lieu, il nous faut une définition plus aboutie des mesures à mettre en oeuvre. L'expérimentation ne saurait se résumer à un simple tâtonnement. Les conseils généraux, qui sont certes de bons connaisseurs de la politique sociale de proximité, doivent être aiguillés quant à la prestation qu'ils devront servir. Nous comprenons bien que le RSA est tout autant une méthode qu'un barème d'aide, il importe néanmoins que les départements disposent d'un cadre dans lequel bâtir leurs politiques.
Il faudra donc que soit précisée rapidement, au moins de façon indicative, la notion de « revenu garanti » figurant aux articles 8 et 9, que l'on retrouve sous le vocable « niveau de ressources » garanti par le RSA aux termes de l'article 10.
En ce sens, la variabilité du seuil selon les départements, explicitée par M. le rapporteur pour avis, paraît une échappatoire précaire. Je n'ai d'ailleurs pas bien compris si M. Vasselle évoquait le système proposé ou un système différent de minima sociaux, mais il aura certainement l'occasion de nous le préciser.
N'est-on pas là, tout simplement, dans une refonte des dispositifs d'intéressement votés en mars 2006, fondée sur une majoration des montants et un prolongement dans le temps ?
Ou alors penchez-vous pour un rehaussement inavoué des barèmes des aides sociales aux travailleurs pauvres, en somme une forme d'impôt négatif à durée déterminée ? Si tel est le cas, la question de la durée de vie de l'allocation RSA est posée. Car si ce nouveau revenu complémentaire aide à passer le seuil de pauvreté, comment ne pas imaginer que sa cessation entraînera le retour à l'état de pauvreté ?
Comme vous pouvez le constater, monsieur le haut-commissaire, nous attendons des clarifications de votre part.