Intervention de Jacques Legendre

Réunion du 5 novembre 2008 à 15h00
Protection du secret des sources des journalistes — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre :

Selon une enquête TNS Sofres de janvier 2008, moins de la moitié des Français pense que « les choses se sont passées vraiment ou à peu près comme la presse écrite le montre ». Il y a évidemment à cette situation des causes multiples. Cela dépasse le problème de la vérification et de la connaissance des sources. Mais il est bon de le savoir…

Dès lors, face à une information dont la pluralité et l’indépendance sont régulièrement mises en doute, le renforcement de sa crédibilité est un premier pas essentiel pour sortir le secteur de la presse écrite de la crise qu’il connaît depuis trop longtemps. Le présent projet de loi, en confortant le statut des journalistes, y contribue donc pleinement.

En remédiant aux insuffisances de notre droit positif sur la protection du secret des sources des journalistes, le projet de loi satisfait également aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme qui, sur le fondement de l’article 10 de la convention l’instituant, a érigé le principe de la liberté du journaliste de ne pas révéler ses sources comme la « pierre angulaire de la liberté de la presse ».

Par ailleurs, je souhaite saluer la vigilance dont ont fait preuve les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat sur les limites qu’il convient de poser à la confidentialité des sources des journalistes, qui ne saurait être absolue.

À ce titre, je me félicite de la nouvelle rédaction du deuxième alinéa du texte proposé par l’article 1er pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, introduite par l’Assemblée nationale préférant l’« impératif prépondérant d’intérêt public » à l’expression initiale encore trop incertaine d’« intérêt impérieux ».

Je souscris, en outre, aux précisions que souhaite apporter la commission des lois de notre Haute Assemblée, par voie d’amendement, au projet de loi : ces modifications visent essentiellement à lever les risques de malentendu sur la définition du principe de protection du secret des sources que faisait peser la rédaction initiale du projet de loi.

Ces amendements permettent, d’une part, de mieux définir le périmètre du principe consacré, en rappelant que la protection du secret des sources des journalistes intervient dans « l’exercice de leur mission d’information du public ». Ils visent, d’autre part, à étendre explicitement le bénéfice de la protection du secret des sources à l’ensemble de la chaîne de l’information. Il s’agit là d’une précision indispensable dès lors qu’au sein des rédactions l’information est appelée à circuler entre plusieurs personnes, notamment les directeurs de publication responsables à l’extérieur de ce qui est publié.

Par l’ensemble de ces modifications, le Parlement met en place un cadre légal suffisamment précis pour conférer au journaliste des garanties proches de celles qui sont accordées aux professions réglementées astreintes au secret professionnel. Dans ces circonstances, le journaliste se trouve renforcé dans le double rapport de confiance qu’il doit entretenir aussi bien avec ses sources qu’avec ses lecteurs.

Enfin, je partage l’analyse de la commission des lois du Sénat selon laquelle la consécration du principe général de protection du secret des sources, par l’article 1er du projet de loi, suffit à couvrir du sceau de la confidentialité les sources dématérialisées. En effet, les données téléphoniques des journalistes archivées par les opérateurs téléphoniques ne peuvent, en toute logique, être communiquées au juge d’instruction qu’à la condition que celui-ci avance l’existence d’un « motif prépondérant d’intérêt public » à l’appui d’une telle mesure.

En conclusion, je me réjouis que le législateur accède enfin à une revendication exprimée de longue date par les journalistes.

Ce projet de loi va, en effet, dans le sens d’une plus grande crédibilité de l’information et d’une indépendance accrue des journalistes dans leur mission d’investigation. Il ouvre la voie à une forme originale de « secret professionnel » longtemps souhaité par la profession de journaliste, qui a démontré, par là, qu’elle envisageait le secret des sources comme un devoir autant qu’un droit.

Le dispositif, équilibré, réserve aux seuls journalistes le choix de dévoiler ou de taire leurs sources. C’est précisément l’évolution que recommandait le groupe de travail sur l’avenir de la presse, installé par notre commission l’année dernière et qui avait permis d’associer à cette réflexion l’ensemble des partis politiques.

C’est pourquoi j’espère que notre Haute Assemblée parviendra à un large accord sur un texte propre à conforter le statut des journalistes.

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