En réponse à M. Marc, qui a présenté un amendement visant à instaurer la représentation de tous les actionnaires salariés au conseil d'administration, Mme la rapporteur s'est demandé comment procéder dans les cas où il n'y aurait qu'un seul actionnaire salarié et comment l'intégrer. Je lui propose donc une solution : ne plus tenir compte de l'actionnariat et instaurer une représentation des salariés dans tous les cas !
Cet amendement tend donc à ce que, dans les sociétés, deux membres du comité d'entreprise, délégués par lui, assistent avec voix délibérative à toutes les séances du conseil d'administration ou, le cas échéant, du conseil de surveillance.
Les salariés doivent en effet être représentés en tant que tels, avec voix délibérative, au sein des conseils d'administration des entreprises, non en tant qu'actionnaires ou avec une simple voix consultative. Les salariés sont les premiers concernés par les choix de gestion de l'entreprise, ils sont donc les plus légitimes pour participer au conseil.
Il faudra progressivement passer du principe capitaliste « une action, une voix » au principe démocratique « une personne, une voix ».
Il convient, dans une démarche de gestion participative, de repenser le centre du pouvoir actionnarial, à savoir le conseil d'administration, tout d'abord en introduisant des représentants des salariés en tant que tels et non en tant que représentants des salariés actionnaires.
Cette distinction permet de se différencier du projet de droite de démocratie actionnariale, dans lequel les salariés sont incités à « participer » au pouvoir de l'entreprise en devenant actionnaires. Une solution intermédiaire, inspirée des réussites de la Mitbestimmung allemande, sans rien ignorer de ses limites, pourrait être la cogestion, à savoir un conseil d'administration avec représentation paritaire des actionnaires et des salariés.
Parallèlement à la réforme du conseil d'administration, c'est toute la gouvernance des entreprises qu'il faut démocratiser.
D'une part, les comités d'entreprise doivent être dotés de véritables pouvoirs, d'un droit de veto, par exemple, pour les décisions stratégiques - les restructurations ou la nomination du PDG.
D'autre part, afin de conserver leur pertinence, les structures de décision actuelles doivent être adaptées aux évolutions économiques. Face aux tendances à la sous-traitance et à l'activité multinationale, il convient d'élargir les comités d'entreprise aux sous-traitants des entreprises donneuses d'ordres et de multiplier les comités d'entreprise européens ou mondiaux.
De plus, pour éviter le corporatisme autogestionnaire, les comités d'entreprise doivent incorporer en leur sein toutes les parties prenantes concernées par l'activité de l'entreprise : les consommateurs, les collectivités locales, les associations de défense de l'environnement.
Enfin, les comités d'entreprise, les délégués du personnel et les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne doivent pas être réservés aux grandes entreprises. Ils doivent également être obligatoires pour les PME, d'une manière ou d'une autre.
C'est donc toute une philosophie de l'entreprise qu'il faut remettre en question. Du côté du patronat, pour le CNPF hier comme pour le MEDEF aujourd'hui, l'opposition à l'implication de toutes les parties prenantes dans la gestion des entreprises est non négociable : on ne touche pas à « l'indispensable unité de gestion de l'entreprise », « le patron reste le patron, maître de ses décisions », c'est une question de principe !
C'est d'ailleurs le même argument que Dominique Strauss-Kahn oppose aujourd'hui à la cogestion, dans son livre intitulé La Flamme et la cendre : « Le commandement d'une organisation humaine ne se fractionne pas ».