La contribution Delalande a été instaurée en 1987, sur l'initiative d'un député du RPR qui souhaitait limiter le nombre des licenciements de salariés de plus de 50 ans. Le Gouvernement, qui est de la même tendance politique, propose aujourd'hui de la supprimer pour favoriser l'emploi des salariés de plus de 50 ans. Faut-il en conclure que tout le monde s'est trompé pendant vingt ans ?
Ce dispositif a été beaucoup discuté et modifié au fil des années par l'ensemble des gouvernements qui se sont succédé, sans que l'on puisse déterminer s'il permet de freiner dans une mesure significative le licenciement des salariés dits âgés. Il faut admettre honnêtement que tout a été dit sur cette contribution : qu'elle est indispensable ou, au contraire, qu'elle inciterait au licenciement des salariés de 45 ans...
En réalité, on se trouve confronté à une volonté des employeurs de se « débarrasser » des salariés de plus de 45 ans ou de 50 ans, parce que leurs salaires sont plus élevés que la moyenne et que l'on souhaite les remplacer par des jeunes, plus soumis, moins coûteux et au statut plus précaire. Au-delà de tous les discours pleins de bonnes intentions, le fait demeure, et aucune mesure n'a permis pour l'heure d'en venir à bout.
Jusqu'à présent, la seule disposition un tant soit peu efficace pour renforcer le taux d'emploi des seniors a été la limitation drastique des subventions de l'État aux préretraites, décidée par Martine Aubry dès 1998.
Malheureusement, les employeurs ont tendance à remplacer les préretraites par des licenciements pour faute lourde, c'est-à-dire sans indemnités. Le contentieux prud'homal est explicite sur ce plan, et le rétablissement du droit est fréquent.
Que peut-on faire devant cette situation ?
Non seulement les entreprises veulent se séparer des salariés dits âgés, mais elles sont toujours réticentes à embaucher des salariés âgés de 50 ans et plus, sauf sous contrats précaires. La création du « contrat seniors » est d'ailleurs fondée sur ce constat.
La suppression de la contribution Delalande n'est pas, en soi, la question essentielle ; il s'agit surtout, à nos yeux, de savoir s'il est opportun de prendre une telle mesure aujourd'hui.
En l'état actuel des choses, non seulement la conjonction de la suppression de la contribution Delalande et de la création du « contrat seniors » n'empêcherait pas les licenciements, mais elle risquerait surtout de précariser la situation des salariés dits âgés, d'autant que nous savons tous que la suppression de la dispense de recherche d'emploi à 57 ans est, comme on dit, « dans les tuyaux ».
Je n'aurai garde d'oublier le toujours intéressant article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui prévoit l'exonération fiscale et sociale des indemnités de départ volontaire, dans la limite de quatre fois le plafond de la sécurité sociale. En cas d'accord de gestion prévisionnelle des emplois, et pourvu qu'un emploi soit qualifié de menacé, ce qui relève aujourd'hui d'une définition extensive, un salarié qui aura retrouvé un emploi stable entrera dans le champ de ce dispositif d'exonération.
Je rappellerai simplement au Sénat qu'un emploi stable est défini comme un emploi dont la durée est de six mois au moins. Le « contrat seniors » entre donc dans cette catégorie. On mesure, à cette aune, la considération manifestée aux salariés et à leurs conditions de vie : nous sommes bien dans un système de précarisation délibérée du monde du travail.
Par ailleurs, cette disposition coûtera, aux termes de la page 146 du rapport de l'Assemblée nationale, « quelques millions d'euros à l'État, qui seront financés par redéploiement des crédits de la politique de l'emploi ». On n'en sait pas beaucoup plus pour le moment.
De plus, l'UNEDIC, toujours lestée d'un déficit cumulé de 13 milliards d'euros, bénéficie, grâce à la contribution Delalande, d'un appoint de 600 millions d'euros par an, versé par les employeurs.
En définitive, la suppression de la contribution Delalande apparaît tout à fait prématurée, dans la mesure où l'on n'a pas de recul sur les résultats de la politique d'emploi des seniors que vous annoncez, monsieur le ministre.