Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du 28 février 2005 à 15h00
Vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l'environnement — Explications de vote

Nathalie Kosciusko-Morizet :

Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, trente ans ont passé depuis les premières initiatives prises en faveur d'une constitutionnalisation du droit à l'environnement. Plus de trente ans ont été nécessaires pour parvenir à ce jour de Congrès, à cet instant de sacralisation d'un droit écologique et à sa reconnaissance constitutionnelle.

La Charte que tous les parlementaires de la nation sont appelés à voter ensemble solennellement ouvre la troisième étape de la construction de notre architecture constitutionnelle et constitue le troisième pilier de notre bloc de constitutionnalité. Elle s'inscrit dans la suite de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de celle des droits économiques et sociaux de 1946.

L'objectif avait été clairement fixé par le Président de la République dès le 3 mai 2001 à Orléans : « Le droit à un environnement protégé et préservé doit être considéré à l'égal des libertés publiques [...] Je souhaite que cet engagement public soit inscrit par le Parlement dans une Charte de l'environnement adossée à la Constitution et qui consacrerait les principes fondamentaux, comme ce fut le cas pour le préambule de la Constitution ou la Déclaration des droits de l'homme ».

Le présent projet de loi constitutionnelle est la traduction fidèle de cet engagement pris devant les Français. C'est un texte historique ; ce devrait être un grand texte d'union. De Georges Pompidou à Jacques Chirac, et sur tous les bancs de nos assemblées, que ce soit parmi nos anciens ou parmi les parlementaires ici réunis, nombreux ont été ceux qui ont voulu conférer à un tel droit le caractère de liberté publique, constitutionnellement garanti. Jean Foyer, Gaston Defferre, Edgar Faure, Jean Lecanuet, Laurent Fabius, Ségolène Royal, Édouard Balladur, Noël Mamère, Roselyne Bachelot, Yves Cochet, Julien Dray, Christine Boutin, André Santini ou encore Michel Barnier, tous, peu ou prou, ont présenté une initiative ou déposé une proposition de loi allant dans le sens de la constitutionnalisation.

Au-delà des prises de position, parfois tactiques, une telle charte est indispensable. Elle répond aux grands impératifs écologiques. C'est pourquoi nous ne pouvons rater ce rendez-vous, qui est celui de la lutte contre l'effet de serre, contre la perte de la biodiversité et contre les pollutions multiples dont l'impact sur notre santé est de plus en plus reconnu.

Par-dessus tout, l'inscription constitutionnelle du droit à l'environnement, c'est le droit des générations futures enfin affirmé. Il existe aujourd'hui plusieurs vides juridiques. Si nous ne manquons pas de grandes lois et de politiques sectorielles, leur portée normative est beaucoup trop faible. L'environnement est curieusement absent des matières énumérées à l'article 34 de la Constitution. Le texte qui nous est soumis, modifié en ce sens à l'initiative de nos assemblées, corrige cet anachronisme.

La révision constitutionnelle qui nous est proposée s'inscrit dans un vaste mouvement de prise de conscience. Ce 28 février commence l'an I d'un siècle qui sera confronté à d'immenses enjeux environnementaux. Les associations l'ont compris et ont joué ces dernières années un rôle déclencheur. Les experts ont été consultés. Sous votre impulsion, monsieur le Premier ministre, depuis trois ans, un travail considérable d'écoute, d'évaluation et de proposition a été accompli. Le texte a d'ailleurs été amendé lors de la procédure législative.

Tous ces échanges ont finalement renforcé l'originalité de la Charte : l'idée de son adossement à la Constitution, sa concision et sa clarté, le juste partage entre un principe de valeur constitutionnelle - le principe de précaution -, directement applicable et invocable par les citoyens devant le juge, et des objectifs de valeur constitutionnelle qui, bien que s'imposant au législateur, réclament son intervention. Ces dispositions ne figurent réellement dans aucune constitution étrangère. Elles constituent donc une novation juridique considérable.

De plus, la Charte permet de sortir des incertitudes jurisprudentielles actuelles et devient garante d'une sécurité juridique nouvelle. Elle permet de repenser le progrès en reconnaissant l'incertitude, l'indétermination et l'imprévisibilité. Elle affirme une nouvelle façon d'appréhender la responsabilité, qui est l'un des enjeux principaux du droit moderne et de la politique contemporaine.

La Charte répond enfin à l'ambition du Président de la République de replacer la France en position d'avant-garde dans le monde. Cette capacité d'imposer des grands principes constituants, organisant les valeurs démocratiques et républicaines dont la France assure l'initiative et la garantie dans l'histoire moderne, est encore plus importante aujourd'hui qu'hier. Nos sociétés sont traversées par des conflits insensibles, difficiles à appréhender, mais qui mettent en cause chaque jour notre modèle juridique. La Charte de l'environnement confirme l'imagination et la détermination dont nous savons faire preuve sur ce point. Aucun pays ne doit nous imposer par le droit, selon des modalités unilatérales, des codes nouveaux.

C'est pourquoi cette charte qui traite de l'environnement, c'est-à-dire rien moins que la question de notre survie, va s'imposer comme une référence mondiale. C'est cette ambition qu'on nous propose aujourd'hui de partager. Le groupe de l'UMP de l'Assemblée nationale la soutient avec force et conviction.

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