Intervention de André Chassaigne

Réunion du 28 février 2005 à 15h00
Vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l'environnement — Explications de vote

André Chassaigne :

Logiquement, inéluctablement, ce fait du prince ne pouvait qu'engendrer les carences du texte qui nous est soumis.

Son préambule relève ainsi, pour l'essentiel, de considérations trop générales, voire réductrices. L'absence de toute référence concrète à l'épuisement des ressources naturelles traduit la volonté de refuser de s'interroger sur la viabilité d'un système économique qui repose aujourd'hui sur le pillage de notre planète, au nom de la seule satisfaction d'intérêts privés immédiats et de principes conduisant à la marchandisation de toute la vie.

Cette question, pourtant fondamentale, est en fait éludée par la seule référence au « développement durable », sans préciser ni la signification de cette notion bien trop galvaudée, ni les contours virtuels d'un modèle alternatif de développement.

Quant à la définition et aux modalités de mise en oeuvre du principe de précaution, elles pâtissent d'une opacité fâcheuse pour un texte juridique, a fortiori pour un texte constitutionnel. En effet, l'article 5, objet de tant de débats, d'articles, de controverses, ce fameux article 5 reste empreint d'une grande méfiance à l'égard du progrès des sciences et des techniques et pourrait conduire au blocage d'avancées importantes pour le devenir de l'humanité,

N'oublions pas que le dévoiement de l'esprit scientifique, à l'origine de tant de dérives, n'est pas le fait de la science elle-même, mais bien plutôt de ce que Condorcet appelait un « système social combiné pour la vanité » !

Mais cet article nous préoccupe surtout parce que, d'application directe, il ne permettra pas de dissiper l'incertitude juridique actuelle. Le refus de la majorité de renvoyer formellement à la loi ses modalités d'application ne pourra qu'engendrer des contentieux et des jurisprudences multiples.

Seule une loi pourrait définir le seuil à partir duquel un risque de dommage justifie la mise en oeuvre de ce principe de précaution. Elle pourrait aussi définir la nature de l'intervention démocratique, souligner l'importance de la recherche et préciser quelles seront les personnes compétentes pour apprécier la réalité des risques et donc déclencher la procédure.

Enfin, comment ne pas s'interroger sur la capacité du Gouvernement à faire vivre concrètement les principes proclamés dans cette charte ?

Nous ne pouvons qu'être interpellés par le fait que l'on nous fasse intégrer cette charte dans notre Constitution le jour même où cette dernière est soumise à la Constitution européenne ! En institutionnalisant en parallèle le libéralisme européen destructeur d'environnement, comment ce texte pourrait-il permettre une réorientation écologique de la politique économique de la France ?

Quelle contradiction fondamentale que d'intégrer, fort justement, dans la Constitution les valeurs de protection de l'environnement, au moment où vous applaudissez les profits faramineux de Total, où vous autorisez des entorses à la loi littoral ou le développement des pavillons de complaisance, où vous réduisez comme peau de chagrin le budget du ministère chargé de l'écologie !

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