Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 28 février 2005 à 15h00
Vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l'environnement — Explications de vote

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Monsieur le président du Congrès, monsieur le Président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, modifier la loi fondamentale de la République est un acte grave. Il y faut de la clarté. Or, en décidant d'ajouter à l'ordre du jour de ce congrès la question de la Charte de l'environnement, le Président de la République a choisi la confusion.

Aux yeux de tous, ce congrès devait en effet être initialement consacré en exclusivité à la modification du titre XV de la Constitution, préalable à la ratification du Traité constitutionnel européen. Nous avons soutenu cette révision et nous nous réjouissons de son adoption, qui ouvre la voie à la consultation des Français par référendum.

Mais il n'est pas acceptable de confondre les enjeux, ni de vouloir passer en force. Monsieur le Premier ministre, le projet de charte de l'environnement n'est pas un texte satisfaisant. Même les Verts, auxquels le règlement du Sénat ne permet pas de s'exprimer au Congrès, et qui voteront oui, ne sont pas dupes de la « frilosité » du texte et des « méfaits de l'action gouvernementale ».

La protection de l'environnement et la défense du développement durable figurent au coeur de nos idéaux socialistes : pour nous, tout homme a droit à un environnement de qualité et il faut préserver les générations futures des risques en la matière. Mais s'il est utile de faire entrer dans la Constitution - et pas seulement de l'adosser - le droit à l'environnement, nous considérons que le texte qui nous est proposé aujourd'hui dessert ses objectifs proclamés.

D'abord, il manque d'ambition. Le principe de précaution énoncé dans le projet de loi ne s'applique pas aux personnes privées et exclut donc les entreprises. Pourtant, elles sont bien souvent à l'origine de la pollution.

Ensuite, le principe pollueur-payeur, essentiel à nos yeux et réclamé depuis longtemps par toutes les associations de défense de l'environnement, n'y figure pas explicitement, les entreprises ne pouvant être sanctionnées qu'au titre de la « contribution à réparation ».

Par ailleurs, ce texte, mal rédigé et d'une certaine confusion philosophique, accroît l'insécurité juridique dans le domaine de la protection de l'environnement. Ainsi, l'article 5 de la Charte, consacré au principe de précaution, applicable aux seules personnes publiques, n'est limité ni dans le temps, ni dans l'espace, ce qui crée un risque de mise en cause systématique de l'État et des collectivités locales et dépouille le Parlement au profit du juge. On peut aussi s'interroger sur les conséquences de cette « précaution » en matière de recherche scientifique et d'innovation.

Mes chers collègues, nous sommes partisans d'une opposition constructive. Si les droits et les prérogatives du Parlement avaient été mieux respectés, si nous avions eu un débat plus complet, nous aurions pu parvenir à un large compromis, incluant l'extension du principe de précaution aux entreprises, la reconnaissance explicite du principe pollueur-payeur et la définition des conditions d'application du principe de précaution.

Mais comment croire à la sincérité du Gouvernement quand il prétend défendre l'environnement, lorsque l'on voit la réalité de sa politique ? Ainsi, les crédits de la recherche diminuent, alors qu'il y a dans ce domaine tout particulièrement nécessité d'une recherche fondamentale publique forte et indépendante des intérêts financiers des industriels. De même, le manque de volonté du Gouvernement de lutter efficacement contre les effets désastreux de la pollution automobile constitue un autre exemple édifiant de ce décalage constant entre le discours et les actes. Nous ne cautionnerons pas ce double langage.

L'inscription de la défense de l'environnement comme principe essentiel de notre loi fondamentale aurait mérité mieux que ce texte approximatif, qu'il faudra bien un jour préciser, consolider et faire passer dans la réalité.

Pour autant, les socialistes estiment que la cause de l'environnement ne doit pas payer les inconséquences de l'action gouvernementale. Nous ne ferons donc pas obstacle à l'inscription de cette charte dans l'ordre constitutionnel. Mais pour toutes les raisons d'insatisfaction que je viens d'exprimer, les membres du groupe socialiste du Sénat ne prendront pas part au vote.

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