Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 5 novembre 2008 à 15h00
Protection du secret des sources des journalistes — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Lors de la discussion générale, nous avions énoncé les points importants qui détermineraient notre vote à l’issue de l’examen de ce texte. Malheureusement, sur certains de ces points, aucune évolution n’a pu être obtenue.

Certes, et je tiens à le souligner, M. le rapporteur a proposé la suppression de la référence aux « questions d’intérêt général », ce qui est un progrès.

Cependant, il subsiste quatre points sur lesquels ce texte doit, à notre sens, évoluer de manière significative. Les troisième et quatrième points revêtant une importance toute particulière, nous avons souhaité que le Sénat se prononce sur les amendements correspondants par scrutin public.

Premier point : il convenait de définir quels seront les personnes et les professionnels concernés, les journalistes n’étant pas seuls en cause. Nous n’avons pu obtenir l’élargissement du champ de la protection des sources. De ce point de vue, des lacunes évidentes et importantes apparaissent dans le texte tel qu’il résulte de nos travaux.

Deuxième point : des lacunes existent également en ce qui concerne les perquisitions et les lieux dans lesquels elles peuvent avoir lieu, avec les protections prévues. Il faudra y remédier.

Troisième point : on nous a objecté qu’il serait redondant de prévoir de manière explicite dans la loi que la garde à vue ne peut avoir pour objet ou pour effet d’aller à l’encontre de ce que le texte vise à inscrire dans le droit. Je n’ai pas compris pourquoi cela nous a été refusé. Le problème s’est déjà posé et il continue de se poser, on le sait bien. Il s’agit donc d’une réalité tout à fait concrète.

Enfin, le quatrième point est à nos yeux le plus lourd de conséquences : le texte comporte un grand nombre d’imprécisions sémantiques, qui ne sont pas dues à des difficultés de rédaction, mais procèdent d’un dessein consistant à donner à la protection des sources une valeur très relative.

Nous n’avons pu obtenir la suppression de la référence à l’« impératif prépondérant ». Nous avons pourtant démontré que le concept d’« impératif » ne signifiait pas grand-chose, non plus que le qualificatif « prépondérant ». À ma connaissance, personne n’a rien objecté à cette démonstration.

Alors pourquoi maintenir cette expression dans le projet de loi ? Le corollaire en est que l’on nous refuse que les exceptions au principe de protection des sources soient précisément définies. Nous avons proposé une définition des menaces de commission d’un crime ou de mise en cause de l’intégrité physique des personnes. Certes, et nous ne le contestons pas, il revient au juge d’apprécier quels éléments peuvent revêtir le caractère d’une menace. Il ne s’agit pas de quelque chose d’automatique.

Il faut également, nous le savons, prendre en compte la protection du secret-défense et la répression de la diffamation. On ne peut pas tout publier dans un journal. Il existe des voies de recours, et, en tout état de cause, le directeur de la publication et les auteurs des articles doivent respecter le droit qui leur est applicable. Cela ne soulève pas de difficulté.

Toutefois, dès lors que vous refusez de définir ce qui est susceptible de donner lieu à exception et que vous utilisez, de façon tout naturellement complémentaire, des formules sémantiques volontairement floues et vagues, le présent projet de loi ne peut permettre d’atteindre l’objectif fixé dans son intitulé.

Nous soumettons ces réflexions au Sénat, en espérant vivement que les choses évolueront à la faveur des prochaines lectures, car nous souhaitons que ce projet de loi fasse l’objet d’un large accord. Nous avons précisé sur quels points il est à nos yeux essentiel de progresser pour parvenir à un tel accord.

Dans l’immédiat, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, nous voterons contre ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion