Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 10 novembre 2009 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2010 — Discussion générale

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Un déficit du régime général de 23, 5 milliards d’euros en 2009, qui devrait atteindre plus de 30 milliards d’euros en 2010, près de 170 milliards d’euros de déficits cumulés, tous régimes confondus, à l’horizon 2013… Ces chiffres finiraient par perdre toute signification s’ils ne révélaient la menace réelle qui pèse sur notre système de protection sociale, « sanctuarisé » depuis soixante-cinq ans.

Bien sûr, il faut tenir compte du poids de la conjoncture. La crise financière et économique a eu en 2009, et aura encore en 2010, voire, je le crains, dans les années suivantes, une incidence majeure sur les comptes sociaux. Avec un recul de la masse salariale de 2 % en 2009, la perte de recettes atteint 11 milliards d’euros entre 2008 et 2009 !

L’an dernier déjà, j’avais émis de sérieux doutes sur les prévisions retenues par le Gouvernement pour bâtir son PLFSS et annoncer un retour à l’équilibre du régime général en 2012. Cette année encore, je ne suis pas très sûr de pouvoir partager votre vision, monsieur le ministre, quelque peu optimiste me semble-t-il.

Vous restez certes prudent pour 2010, en estimant que la progression du PIB devrait atteindre 0, 8 %, mais l’hypothèse d’une croissance annuelle de 2, 5 % du PIB et de 5 % de la masse salariale à partir de 2011 me semble particulièrement hasardeuse. Même si l’on assiste à une reprise d’activité, je crains que les recettes ne soient pas à la hauteur des espérances, car une crise comme celle que nous avons vécue ne se limite pas à un aller-retour rapide sur une courbe de Gauss… Après une dégradation aussi profonde, le retour au niveau antérieur de recettes sera lent, tandis que les dépenses continueront de progresser selon leur rythme propre.

Quoi qu’il en soit, rien ne serait plus dangereux que de tirer prétexte de la crise pour refuser de voir que, avant même son apparition, la sécurité sociale présentait un déficit structurel grave, ainsi que l’a souligné M. le rapporteur pour avis de la commission des finances ce matin.

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, l’assurance maladie n’a pas connu une seule année d’excédent. Le déficit de la branche atteignait 6 milliards d’euros en 1996, 12 milliards d’euros en 2004 et devrait être voisin de 15 milliards d’euros en 2010, après, il est vrai, quelques années de baisse.

C’est donc une évidence : même dans les hypothèses les plus favorables, la seule reprise de la croissance ne suffira pas pour stabiliser durablement nos comptes sociaux.

Certes, les réformes n’ont pas été inexistantes, certaines pouvaient même paraître courageuses, mais elles sont lentes, semblant parfois se perdre dans les sables des compromis ou souffrir d’une application insuffisante ou partielle, quand elles ne sont pas obsolètes, voire contre-productives, comme l’a démontré la Cour des comptes à propos de certaines dispositions de la réforme des retraites de 2003.

Quant aux mesures d’économies proposées ces dernières années, pour indispensables et méritoires qu’elles soient, elles n’ont pas toujours eu le rendement attendu et ne sont pas à la hauteur des enjeux.

En réalité, on a voulu jusqu’à présent mettre en œuvre les réformes « faisables », c’est-à-dire souvent les moins impopulaires. Mais plus l’heure des choix est retardée, plus ces derniers induiront des conséquences douloureuses.

Comment justifier le report sur les générations suivantes du coût des inadaptations structurelles entre les dépenses, que nous n’arrivons pas à maîtriser, et les recettes, que nous ne voulons pas augmenter ? Le temps est venu, malgré la crise, des réformes profondes.

S’agissant des recettes, les niches sociales, dont certaines ont une justification contestable, sont évidemment un des premiers leviers. Vous vous y attaquez en proposant, notamment, une imposition des plus-values sur valeurs mobilières dès le premier euro et sur les contrats d’assurance-vie en cas de dénouement par succession. Une plus large révision de ces niches aurait dû être proposée.

En outre, l’Assemblée nationale a adopté un amendement sur un sujet emblématique, celui du droit à l’image collective des sportifs professionnels. Je suis personnellement favorable à cette mesure et je ne voterai d’ailleurs pas le report de six mois proposé par la commission des affaires sociales. En effet, le exercé par les clubs et les fédérations sur les parlementaires est à la fois honteux et indécent au regard de la situation de précarité de millions de foyers dans notre pays.

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