Intervention de Éric Woerth

Réunion du 10 novembre 2009 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2010 — Discussion générale

Éric Woerth, ministre :

Je proposerai, au premier semestre de l’année prochaine, de mettre en place un groupe de travail réunissant des parlementaires experts en ces questions, qui étudiera avec nous quel train de mesures nous pourrions être amenés à prendre en 2011, en fonction de l’évolution de la situation économique, pour régler le problème de la dette de la sécurité sociale. Notre aurons alors une vision plus claire des perspectives économiques : pour l’heure, il ne faut pas casser la machine avant même qu’elle ait redémarré, et le moment n’est pas encore venu d’arrêter des solutions pérennes.

Monsieur Barbier, nous n’augmenterons donc pas les impôts et nous ne toucherons pas au bouclier fiscal. Si nous ouvrions une brèche, même pour la CRDS, nous risquerions de rompre la confiance qui commence à renaître parmi les investisseurs quant à l’attractivité de la France. Nous ne sommes d’ailleurs pas plus endettés, dette sociale comprise, que la plupart des autres pays de l’OCDE ou de l’Union européenne ; au contraire, nous le sommes même plutôt moins. Les investisseurs internationaux croient en la France, qui se voit décerner des notes excellentes par les agences spécialisées, au même titre que l’Allemagne : nous ne pouvons pas, aujourd’hui, prendre le risque de brouiller cette image positive.

Bien évidemment, ces sujets offrent matière à débat, mais nous assumons nos décisions et prenons nos responsabilités. C’est peut-être la voie de la sagesse, en tout cas c’est celle de la raison.

Dans l’immédiat, je veux vous rassurer sur la gestion des déficits par l’ACOSS, dont MM. Lardeux et Jégou se sont inquiétés. Les emprunts contractés par l’ACOSS sont bien des emprunts de court terme, d’une durée inférieure à un an. Par ailleurs, nous veillons bien à éviter tous les risques opérationnels. En premier lieu, 31 milliards d’euros sont garantis par la Caisse des dépôts et consignations, dont 20 milliards d’euros sous la forme d’un prêt d’une durée d’un an qui pourra être financé à taux fixe. Ce nouvel instrument permettra à l’ACOSS de se prémunir contre une variation brutale des taux pour une partie importante de ses besoins. La convention de prêt doit être signée dans le courant du mois de novembre. En second lieu, l’ensemble du back office des euro commercial papers sera assuré par l’Agence France Trésor, qui dispose de la compétence requise. Enfin, pour les billets de trésorerie et les euro commercial papers, l’ACOSS a prévu des lignes de back-up auprès des banques en cas d’éventuelles défaillances.

S’agissant des taux d’intérêt, selon le consensus du marché publié en septembre dernier, les taux à trois mois devraient augmenter, pour atteindre 1, 3 % à fin de septembre 2010.

Par précaution, dans les comptes du régime général, les charges financières de l’ACOSS ont été calculées sur la base d’un taux Eonia de 1, 3 % sur toute l’année, ce qui représente 700 millions d’euros de frais financiers au total. Dans ces conditions, et compte tenu des hypothèses prudentes du Gouvernement, il est très peu probable qu’une hausse des taux d’intérêt porte les frais financiers de l’ACOSS au-delà du montant anticipé dans le PLFSS. Nous avons donc bien intégré une évolution des taux dans nos prévisions.

Au-delà de l’année 2010, une fois que nous serons sortis de la crise, comme nous l’espérons tous, nous devrons avoir ensemble un débat sur la manière de traiter au mieux la dette sociale. Nous avons bien évidemment des idées ; vous en avez également, mesdames, messieurs les sénateurs, qui ne se résument pas à une pure et simple augmentation de la CRDS. Je fais miennes un certain nombre des analyses développées par MM. Vasselle, Jégou et About. Nous devrons nous réunir, par exemple dans le cadre de la préparation du PLFSS pour 2011, afin de discuter à froid, et non en pleine crise économique, des moyens de lutter, à long terme, contre la dette de la sécurité sociale, sachant que, pour 2010, nous disposons d’une solution, certes transitoire mais néanmoins solide et sérieuse. En tout état de cause, je ne crois pas qu’il y ait de voie unique.

Je voudrais maintenant évoquer brièvement les niches sociales, sujet sur lequel nous reviendrons au cours des débats.

Je reconnais, monsieur le rapporteur général, que vous avez souvent été en avance sur le Gouvernement en matière de suppression de niches sociales, qu’il s’agisse des stock-options ou du forfait social, et nous étudions toujours vos suggestions avec beaucoup d’attention. Cependant, il faut parfois laisser mûrir les idées.

Certes, il faut réduire les niches sociales pour améliorer l’équité et la cohérence de notre système de prélèvements sociaux, et je crois que c’est très clairement ce que nous faisons cette année.

Cela étant, nous sommes attentifs à ne pas peser sur l’emploi. Je sais, monsieur Dassault, que c’est également votre priorité, mais il n’y a pas d’assiette miracle. Votre argumentation est très approfondie et constante, et ce n’est pas la première fois que vous proposez de modifier l’assiette des cotisations sociales en remplaçant la masse salariale par le chiffre d’affaires diminué de la masse salariale. Chaque assiette pose une série de difficultés, et en changer se traduirait inévitablement par des transferts de charges entre secteurs économiques et entre entreprises. Vous savez, monsieur le sénateur, que votre proposition a déjà fait l’objet d’expertises techniques et de discussions approfondies avec les partenaires sociaux, notamment en 2006. À l’époque, les conclusions étaient réservées, mais je tiens bien évidemment compte des convictions que vous exprimez avec opiniâtreté.

Tels sont les éléments que je souhaitais apporter en réponse à vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je tenais à retracer les perspectives et à vous montrer que le Gouvernement n’est pas insensible à vos propos. Nous sommes tout à fait lucides et conscients de la situation. Je suis d’ailleurs plus préoccupé par les finances de la sécurité sociale que par celles de l’État, car il s’agit à mon sens d’un sujet plus complexe, plus difficile, exigeant encore plus de rigueur et de profondeur d’analyse.

Je sais bien qu’en politique, on prétend toujours que ce n’est pas le moment, qu’il ne faut pas prendre de décisions prématurées, et je ne voudrais pas recourir à de tels arguments – même si cela m’arrivera peut-être, à l’occasion…

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