Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 10 novembre 2009 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2010 — Question préalable

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

… pour l’instant seulement, car ce transfert de charge sera bien sûr répercuté sur le coût des contrats complémentaires.

Mais, surtout, avec ce déplacement des frontières entre ce qui relève de la solidarité et ce qui relève de l’assurance individuelle, c’est tout l’esprit du système qui est nié.

Enfin, outre qu’il est financièrement mensonger et socialement injuste, ce PLFSS détruit la solidarité entre les générations : avec une dette sociale de 170 milliards d’euros et une extinction de la CADES prévue en 2021 pour les plus optimistes, nous faisons déjà lourdement peser sur les épaules de nos enfants et petits-enfants le poids de nos dépenses sociales.

Que faire alors de la dette qui s’est accumulée et qui n’a pas été transférée à la CADES ? La faire porter par l’ACOSS, bien sûr ! Et peu importe si, pour cela, il faut porter le plafond des emprunts que le régime général est autorisé à contracter à un niveau inégalé de 65 milliards d’euros !

Cette gestion de gribouille est devenue l’alpha et l’oméga des plans de financement de la droite au pouvoir. Vos propres troupes le disent. Je cite les propos de Marie-Anne Montchamp, rapporteur spécial de la commission des finances de l’Assemblée nationale : « Plus la reprise de dette interviendra tardivement, plus elle sera coûteuse. Attendre 2011 exigerait, pour une reprise de dette de plus de 50 milliards, le doublement du taux de la CRDS. C’est tout simplement impossible. » Elle n’a, bien sûr, pas été entendue.

Pourtant, face à une situation aussi dramatique, des propositions ont été faites en matière de recettes, pour veiller à ce que les évolutions fiscales servent la justice sociale. C’est ainsi que le groupe socialiste a été rejoint par certains de vos amis dans le combat qu’il mène contre le bouclier fiscal.

La position de M. Warsmann en témoigne. Il estime que la CRDS devrait être retirée des impositions prises en compte dans le bouclier fiscal, car, je le cite, « lutter contre cette dette est une cause nationale qui suppose la solidarité de tous. La CRDS se distingue de l’impôt. Sa seule raison d’être est le remboursement de la dette sociale. »

Les membres du groupe socialiste réclament depuis longtemps la mise à plat de la politique d’exonérations de charges accordées aux entreprises et un véritable travail sur la fin des niches fiscales. Il semble que ces demandes aient finalement rencontré un certain écho ici.

Ainsi, les politiques d’exonérations sociales représentent un total annuel de près de 76 milliards d’euros. Les dispositifs ont été sans cesse multipliés. Au nombre de 46 en 2006, ils sont 65 cette année !

Selon le rapport d’Alain Vasselle, « l’État fait le choix délibéré de mettre à la charge de la sécurité sociale des politiques qui sont de sa responsabilité ».

Enfin, la crise des finances sociales est adossée sur un confortable magot, celui des niches fiscales. La France détient le record en la matière, puisqu’elle compte plus de 470 de ces niches, pour un coût budgétaire supérieur à 110 milliards d’euros. Ainsi, en 2008, 100 contribuables ont pu économiser pas moins de 1, 5 million d’euros chacun !

Grâce à tous ces aménagements, jamais les plus aisés n’auront aussi peu contribué à l’effort commun. Et au cas où certains n’auraient pas su tirer toutes les ressources des niches fiscales, le bouclier fiscal a fait le reste ! Nous souhaiterions que les assurés sociaux fassent l’objet d’autant d’attentions.

La question du financement de la sécurité sociale ne saurait être résumée au seul travail sur les recettes. La refondation du système doit également être évoquée. Or, en la matière, les garanties démocratiques ne sont pas au rendez-vous. Les négociations entre l’assurance maladie et les professions médicales, par exemple, influencent lourdement la lettre comme l’esprit de notre système, mais tendent à échapper au contrôle du Parlement. Pourtant rien n’est moins neutre pour la protection de chacun des habitants de notre pays que les discussions actuelles entre l’UNCAM et les professions médicales, notamment sur la création d’un secteur optionnel.

Les déserts médicaux s’étendent ; les dépassements d’honoraires sont depuis longtemps pratiqués hors de toute notion de « tact et mesure » ; la prévention et la santé publique sont fort peu prises en compte ; les refus de soins ne diminuent pas ; la permanence des soins est de moins en moins assurée par la médecine de ville. Et c’est le moment que l’on choisit pour proposer aux médecins de secteur 1 de pratiquer des dépassements d’honoraires, sans vraiment exiger de ceux du secteur 2 de revenir à des tarifs plus raisonnables.

À terme, le secteur optionnel porte en lui la fin du secteur opposable.

Il faut le rappeler : l’économie de la santé est largement socialisée. Il serait temps d’en tirer les conséquences en termes de priorité et de rappeler que l’égalité d’accès aux soins est constitutionnellement garantie. Mais, pour l’instant, ces réformes sont négociées ailleurs. Or cela pose un réel problème de gouvernance démocratique.

Le Parlement est largement évincé de la question de l’utilisation d’un budget qui est, je le rappelle, supérieur à celui de l’État. Ni les contribuables, ni les usagers du système de soins ne sont invités à la table des négociations.

L’avenir de notre protection sociale est ainsi largement compromis et le terme ne cesse de se rapprocher.

Face à la dégradation sans précédent des comptes sociaux, le PLFSS pour 2010 ne contient que des mesures techniques ou des ajustements de dispositifs existants. Rien ne permet d’espérer un quelconque redressement.

Pourtant, c’est le socle même de notre cohésion sociale qui est ici en cause. Je sais que de nombreux collègues de la commission des affaires sociales, qu’ils soient de droite ou de gauche, partagent ce constat.

Même si nous ne proposons pas tous les mêmes solutions, nous avons tous, en tant que parlementaires, le même devoir, le même pouvoir : le devoir de protéger nos concitoyens, de lutter contre tout ce qui pourrait défaire notre pacte social et le pouvoir d’empêcher un gouvernement de nous conduire à la catastrophe.

Chers collègues de la majorité, …

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