Intervention de Paul Raoult

Réunion du 8 septembre 2006 à 9h30
Eau et milieux aquatiques — Article 22

Photo de Paul RaoultPaul Raoult :

Nous sommes là en présence d'un dossier lourd. J'ai été scandalisé par la rédaction retenue par l'Assemblée nationale et j'avoue être éberlué, compte tenu des réflexions, que j'estime sérieuses et intelligentes, qui émanaient du Sénat !

Ces bouleversements du texte, qui, quoi que l'on dise, sont liés à une philosophie politique, sont difficiles à accepter.

Imaginer que l'on va pouvoir procéder à l'assainissement non collectif en faisant simplement confiance à la liberté individuelle de faire ou de ne pas faire revient à oublier l'intérêt général, à ne pas tenir compte de l'importance de l'assainissement pour la qualité environnementale de notre pays.

Franchement, des bornes ont été franchies dans ce domaine et, au-delà des clivages gauche-droite, quand je vois certains syndicats intercommunaux gérés par des élus de droite - qui, au reste sont parfaitement soucieux, tout comme nous à gauche, de l'intérêt général -, je m'étonne de les voir tout à coup, pour des raisons en quelque sorte idéologiques, se diriger vers un libéralisme débridé consistant à dire que l'assainissement non collectif relève du libéralisme pur et dur. Une telle affirmation n'est pas acceptable !

Depuis des années, la gauche et la droite en France partagent une même philosophie de l'assainissement. Elles sont d'accord pour considérer que celui-ci doit relever des maires, ou en tout cas de la puissance publique, et non pas de l'initiative privée.

Par ailleurs, à l'évidence, l'assainissement non collectif concerne aujourd'hui surtout les zones rurales et en habitat dispersé. Pour avoir la responsabilité d'une zone d'habitat dispersée, en l'occurrence celle de l'Avesnois, dans le département dont je suis l'élu, je puis vous affirmer que les élus sont confrontés aujourd'hui à de grandes difficultés. En effet, de l'eau est captée dans ces zones d'habitat dispersé, mais il n'y existe pas d'assainissement collectif.

Si l'on veut protéger ces zones de captage, il faut bien que la puissance publique « force », en quelque sorte, les particuliers qui y résident à mettre en oeuvre l'assainissement !

Mes chers collègues, vous verrez, si on laisse faire la bonne volonté des uns et des autres, d'ici cinq, sept ou dix ans ces captages d'eau seront inutilisables parce qu'ils auront été pollués !

Il me semble qu'il s'agit là d'une question de bon sens : au-delà du traditionnel clivage gauche-droite, nous pouvons tous convenir qu'il est nécessaire de donner aux maires la compétence de l'assainissement collectif et faire en sorte que celui-ci soit effectivement réalisé.

Si, en outre, comme il est prévu dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, les particuliers décident eux-mêmes de la date du diagnostic, il n'y aura plus ni contrôle, ni calendrier des visites possibles. Nous ne disposerons plus d'aucune garantie.

Par ailleurs, vous le savez, mes chers collègues, la moitié du territoire français est couvert par des SPANC. Certes, moi-même, je ne me suis pas précipité pour en créer dans l'Avesnois, car nous savions tous que ces services seraient extrêmement difficiles à mettre en place. Nous avions des doutes sur l'équilibre financier futur de ces structures : dès lors que nous devions appliquer le principe en vertu duquel « l'eau doit payer l'eau », il était impossible de transférer les crédits du budget de l'assainissement collectif vers celui de l'assainissement non collectif. À la limite, cette contrainte pouvait se comprendre : pour mettre en place un service, il faut bien commencer par embaucher du personnel, avant d'encaisser ensuite les recettes, au fil du temps. Pour chaque structure, il existe une période de lancement pendant laquelle il n'est pas facile de parvenir à l'équilibre financier.

Or, aujourd'hui, on annonce aux SPANC qui ont été créés que la « clientèle » sur laquelle ils comptaient pour dégager des recettes pourra disparaître, car les particuliers ne seront pas obligés de s'adresser à eux ! Cela signifie que l'on détruit les services qui ont été mis en place, et cela, me semble-t-il, n'est pas supportable.

Je puis vous dire que, depuis que le texte adopté par l'Assemblée nationale a été connu, j'ai reçu de nombreux coups de téléphone et courriers qui exprimaient la colère d'élus, de gauche comme de droite, face à des dispositions qui semblaient inadaptées. J'espère que le Sénat, dans sa sagesse...

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