S’agissant de l’amendement n° 266, je voudrais d’abord rassurer Mme Borvo Cohen-Seat, qui nous demande si l’encellulement individuel est un droit, en lui lisant le texte prévu à l’article 49 : « Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire, sont placés en cellule individuelle. »
Nous n’allons pas reprendre le débat d’hier sur l’utilisation du présent de l’indicatif ou du verbe devoir : l’indicatif vaut impératif ! Par conséquent, nous pouvons être totalement rassurés au niveau des principes.
Nous nous situons au niveau des principes, parce qu’il ne faut tout de même pas oublier la situation actuelle.
Mme le garde des sceaux n’y est strictement pour rien, mais, quand nous évoquons aujourd’hui la surpopulation carcérale, nous confrontons le chiffre du nombre des détenus, avoisinant 62 000 ou 63 000 personnes, et le nombre de places de prison disponibles, soit 51 000 ou 52 000 places et nous oublions parfois que, sur ce dernier total, environ 35 000 places sont des places individuelles.
Donc, si nous devions effectivement nous interroger sur la proportion de détenus placés en cellule individuelle – je crois d’ailleurs qu’il n’existe aucun chiffre officiel en la matière – nous constaterions certainement qu’elle ne dépasse pas le seuil de 50 %. Or, l’emprisonnement individuel est prévu par la loi depuis 1875.
Alors, mes chers collègues, commençons par battre notre coulpe ! Nous avons vu les gouvernements se succéder depuis 1958 et, en particulier, depuis 1981. Nous sommes tous coupables ! Certains ont été « responsables, mais pas coupables », mais, sur cette question, nous sommes tous responsables et coupables !
À cet égard, Mme le garde des sceaux ne porte pas de responsabilité particulière. J’incline d’ailleurs à penser que, si nous nous approchons de l’objectif, même à la fin du moratoire fixé, nous aurons tout de même fait un très bon travail.
Je souscris donc totalement aux propos de M. le président Hyest lorsqu’il déclarait que, si nous aboutissons, à quelques milliers de places près, à la réalisation du principe d’encellulement individuel, nous aurons effectivement fait un grand pas en avant.
Je voudrais maintenant revenir sur l’amendement n° 266. En le lisant, je constate que Mme Borvo Cohen-Seat reprend les exceptions au principe de l’encellulement individuel fixées par l’article 49 en en retirant une.
Il s’agit de la deuxième exception : les personnes concernées sont placées en cellule individuelle sauf si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'elles ne soient pas laissées seules. D’après moi, cette hypothèse est vraiment la moins discutable : les individus dont il est question souffrent d’une grande fragilité psychologique, ils encourent un risque suicidaire et nécessitent qu’on tente de les conforter davantage.
Certes, on ne peut en faire supporter systématiquement la charge au codétenu, sur lequel nous faisons parfois peser une lourde responsabilité. Le codétenu n’est pas forcément formé pour cette mission. Peut-être d’ailleurs faudrait-il réfléchir à un dispositif permettant de considérer l’aide apportée dans ce cas comme une responsabilité entrant dans l’obligation d’activité que nous venons de créer. C’était, je crois, l’objet d’un des amendements du président About.
En tout cas, s’il est une exception à l’encellulement individuel que je ne souhaite pas retirer, c’est bien celle-là ! C’est pourquoi l’avis de la commission sur l’amendement n° 266 est défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 171 de notre collègue Alain Anziani, nous allons retrouver un débat que nous avons eu à de très nombreuses reprises au cours de la discussion des amendements.
Sur le principe, nous sommes totalement d’accord ! Qui pourrait contester que, en matière d’encellulement collectif, l’hygiène et l’intimité des personnes doivent être assurées ?
Pour ma part, je me réjouis que le Gouvernement ait inscrit dans le projet de loi pénitentiaire des dispositions selon lesquelles les cellules collectives doivent être adaptées au nombre des détenus qui y sont hébergés.
J’ai eu l’occasion de discuter du problème de l’encellulement individuel ou collectif, avec des aumôniers par exemple. Pour ceux-ci, le fait d’adopter le principe « une place pour chacun » constituerait déjà un tel progrès que même un partisan de l’encellulement individuel aurait du mal à s’y opposer.
J’ajouterai enfin que les principes relatifs à l’hygiène et à l’intimité des personnes, donc les principes relatifs à leur dignité, sont déjà posés par trois articles du projet de loi pénitentiaire tel que rédigé à l’issue des travaux de la commission : l’article 1er, l’article 10 et l’article 20.
Puisque nous sommes d’accord, la commission ne peut émettre un avis défavorable sur cet amendement. Mais elle en demande le retrait.