Intervention de Jean Desessard

Réunion du 6 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Article 51

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Mes chers collègues, nous sommes en présence d’une question de la plus haute importance.

Le placement en régime différencié ne se limite pas à une entrave à la liberté de circulation du détenu, comme l’a annoncé Mme le garde des sceaux lors de la discussion générale. C’est là une interprétation très restrictive de la réalité carcérale.

Comme vous le savez, les conséquences du régime différencié sont plus graves que cela. Une telle décision a des conséquences sur la situation juridique des détenus : elle marque le détenu tout au long de la détention. Celui-ci est entravé non seulement dans sa liberté de circulation, mais également dans son accès aux activités, par exemple à la bibliothèque.

Je souhaite vous dire que nous sommes opposés à ces régimes différenciés. Ils n’ont aucune justification et entraînent de graves atteintes aux droits des détenus, que nous avons pourtant proclamés avec force depuis mardi.

Sans aller jusqu’à la suppression des régimes, le texte de la commission a proposé, à bon droit, que de telles décisions de placement soient motivées. Cela entraîne une conséquence simple : la possibilité, de droit, pour le détenu de contester la décision devant le juge de l’excès de pouvoir. Et c’est pourquoi, madame le garde des sceaux, vous souhaitez supprimer la motivation spéciale et avez déposé un amendement en ce sens.

En l’état actuel, vous savez que de telles mesures sont considérées comme des mesures d’ordre intérieur par le Conseil d’État, même si les juges du fond ont tendance à les considérer comme des décisions administratives individuelles défavorables, au sens de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public.

Le texte ouvre une brèche indispensable. Il s’agit de mettre un terme à une immunité juridictionnelle dont dispose aujourd’hui l’administration pénitentiaire, ce qui lui permet de sanctionner les détenus sans contrôle extérieur.

L’objet du présent projet de loi est de faire entrer le droit dans nos prisons. Cela implique également que les décisions prises à l’encontre des détenus puissent être contrôlées.

Je regrette donc que le Gouvernement maintienne un amendement visant à supprimer la motivation de ces décisions.

C’est la raison pour laquelle nous avons sous-amendé votre amendement, madame le garde des sceaux. Nous souhaitons préciser que ces décisions constituent des décisions individuelles défavorables qui doivent être motivées.

Pour autant, ce qui vaut pour l’amendement du Gouvernement vaut également pour le nouvel amendement qui a été déposé par la commission. Même si cet amendement vise à supprimer la référence aux régimes différenciés et à encadrer le champ de telles mesures, il reste muet sur la motivation de ces décisions.

Nous soutiendrons donc l’amendement de M. le rapporteur si nous avons la garantie que ces décisions peuvent être considérées comme des décisions faisant grief, donc susceptibles de faire l’objet d’un recours.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion