Intervention de Alain Anziani

Réunion du 6 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Article 51

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

Je souscris à ce que vient de souligner M. Desessard et cet amendement est d’inspiration voisine.

En matière de régimes différenciés – et ce n’est pas faire un mauvais procès que de le constater –, il y a la théorie et la pratique.

En théorie il y a, d’un côté, des portes closes et, de l’autre, des portes ouvertes. Et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles de l’univers carcéral…

Mais, en pratique, il y a plusieurs prisons en une seule, avec des effets particuliers dont j’aimerais d’ailleurs en développer deux.

Le premier effet est un effet stigmatisant. Je relisais récemment un rapport rédigé par M. Jean-Marie Delarue, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, après une visite à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône. M. Delarue écrivait ceci : « L’illusion du “parcours” peut donc se traduire en définitive par une pure et simple ségrégation entre les différents bâtiments ou étages de l’établissement, avec les détenus susceptibles d’évolution au cours de leur incarcération et ceux qui seront laissés pour compte de manière souvent irréversible durant tout leur temps de détention, dans une coursive réputée difficile pour eux comme pour le personnel pénitentiaire. » C’est une première dérive.

Le deuxième effet, je le qualifierai de « pervers ». Je ne dis pas que cela correspond à une volonté, mais c’est tout de même la réalité. Dans les faits, les personnes concernées bénéficieront de solutions plus ou moins accommodantes selon l’endroit où elles se trouveront. Ce sera notamment le cas pour toutes les décisions de classement, en particulier pour le travail. Voilà la réalité des régimes différenciés.

Dans mon amendement, je mentionne également la nécessité de motivation, qui figure dans le texte de la commission.

Toutefois, je suis disposé à faire une concession. J’entends bien l’objection qui nous est adressée, notamment par Mme la garde des sceaux. On nous demande pourquoi nous réclamons une telle disposition alors qu’elle figure déjà dans la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, qui oblige à motiver les décisions, en particulier les décisions défavorables.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à regarder la réalité, notamment les contentieux devant le Conseil d'État. Le ministère de la justice s’est récemment pourvu en cassation contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes, en arguant du fait que de telles décisions, dans la mesure où elles sont d’ordre intérieur, échappent à l’obligation de motivation.

Pour ma part, je veux bien faire un effort si on me dit que ces décisions sont nécessairement motivées et que le ministère de la justice abandonnera le moyen qui est aujourd'hui le sien dans l’ensemble de ses recours !

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