Intervention de Jean Desessard

Réunion du 6 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Article 51, amendement 291

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Chacun l’a bien compris, nous sommes opposés à l’amendement n° 291 mais, pour le cas où ce dernier serait adopté, nous proposons ce sous-amendement de repli.

L’amendement du Gouvernement vise à supprimer, dans l’article 51, la référence à la motivation spéciale des décisions de placement dans un régime différencié.

Cet amendement a pour objet, en réalité, d’asseoir une pratique réglementaire tendant à considérer de telles décisions comme des mesures d’ordre intérieur, qui ne peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge de l’excès de pouvoir.

Pourtant, une décision de placement en régime différencié n’est pas sans incidence sur la situation juridique du détenu.

L’amendement entretient l’arbitraire puisque, en ne reconnaissant pas que la décision de placement en régime différencié est un acte faisant grief, il empêche tout recours devant le juge de l’excès de pouvoir. L’administration pourra donc prendre des mesures arbitraires sans qu’un juge puisse vérifier leur conformité au droit, notamment à la loi pénitentiaire.

Mes chers collègues, si nous décidons de faire entrer le droit dans les prisons, donnons au détenu la possibilité de former un recours contre une décision de placement en régime différencié !

Je le répète, les décisions de placement en régime différencié sont considérées comme des mesures d’ordre intérieur, parce que l’administration l’a souhaité.

Pourtant, elles ont une incidence sur les droits des détenus : elles modifient leur situation juridique. Les détenus placés sous un régime différencié sont surveillés de manière plus stricte ; ils doivent prendre leurs repas dans leur cellule, qui ne dispose pas de porte ouverte ; ils n’ont pas accès aux ateliers et ne peuvent se rendre à la bibliothèque que dans le cadre d’un créneau horaire réservé.

Ces exemples ne suffisent-ils pas à démontrer qu’il s’agit d’une décision faisant grief ?

Les tribunaux administratifs eux-mêmes le reconnaissent, et je vous renvoie à cet égard à la décision de la cour administrative d’appel de Nantes du 21 février 2008.

Ce que nous proposons est en réalité une évolution naturelle. Les décisions de placement en isolement ont connu le même sort. D’abord considérées comme des mesures d’ordre intérieur, elles ont été transformées, par un revirement de jurisprudence, le 30 juillet 2003, en décisions administratives individuelles défavorables, susceptibles de recours devant le juge de l’excès de pouvoir.

Je vous propose, par ce sous-amendement, mes chers collègues, de mettre un terme à l’immunité juridictionnelle dont bénéficie l’administration pénitentiaire dans le placement en régime différencié des détenus, en soumettant ses décisions au contrôle du juge administratif.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion