Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le ministre et ses services ainsi que notre rapporteur pour l’ensemble des réponses qu’ils ont apportées à nos questions, et pour l’attention qu’ils ont accordée à nos propos et à nos amendements. Même si, à notre grand regret, beaucoup de ces amendements n’ont pas trouvé grâce à leurs yeux, je tenais à saluer leur travail.
En guise d’explication de vote, je souhaite rapprocher deux informations. D’une part, vous le savez, des matchs de football auront lieu au mois de juin prochain ; ceux qui l’ignoraient ont pu l’entendre à maintes reprises au cours de nos discussions. D’autre part, et cette information est plus grave, aujourd’hui, compte tenu de l’augmentation en janvier, on dénombre 4 103 000 demandeurs d’emplois en France, départements d’outre-mer compris.
Même si cela peut paraître curieux, ces deux informations doivent être rapprochées car, cela a été noté, les joueurs en ligne sont souvent des inactifs. Les demandeurs d’emploi, dans l’espoir d’un avenir meilleur, peuvent être tentés de jouer en ligne. Nous l’avons constaté dans le passé, beaucoup d’entre eux jouent à des loteries ou engagent des paris. Cela augure d’une situation grave et inquiétante à l’avenir, raison de plus pour être vigilant quant au modèle de société que nous proposons pour les années qui viennent.
Je ferai huit observations.
Premièrement, force est de le constater, ces deux derniers jours ont été vécus sous la pression de l’instant. La loi est, d’une certaine façon, mise au service de la fièvre du jeu puisque, de nombreux orateurs l’ont rappelé, il fallait être prêt avant l’ouverture de la Coupe du monde et la loi devait donc être très vite votée. Or, légiférer dans ces conditions n’est jamais très rassurant.
Deuxièmement, ce texte rompt avec la tradition républicaine, forgée par l’expérience et qui a conduit ces dernières décennies à maintenir un régime exigeant et contrôlé du secteur du jeu. Nous ne pouvons manquer de nous interroger sur le bouleversement de l’équilibre ainsi atteint.
Troisièmement, rien, du moins pas l’Union européenne, n’oblige aujourd’hui à mener un projet de ce type sur les jeux. L’arrêt Santa Casa a déjà longuement été évoqué, mais l’on pourrait aussi se référer à certaines déclarations, notamment celle de Michel Barnier, commissaire au marché intérieur, que j’ai déjà cité. Il doit, d’ici à la fin de l’année, essayer de trouver des lignes directrices pour réglementer le secteur des jeux en Europe. Nous aurions pu nous aligner sur ce calendrier.
Quatrièmement, ce projet de loi a été justifié, notamment hier par M. le ministre, par l’absence de régulation du marché à l’heure actuelle. Nous serions ainsi forcés de réagir. D’après moi, 90 % du marché est régulé, puisque toutes les activités qui relèvent du PMU, de la Française des jeux ou des casinos sont contrôlées d’une façon relativement stricte. Ainsi, seule une partie des jeux en ligne échappe aujourd’hui à cet encadrement. Avons-nous véritablement essayé de trouver d’autres solutions pour réguler ces 10 % de jeux qui échappent à la réglementation ? Je n’en suis pas totalement convaincu. J’eusse aimé entendre, monsieur le ministre, des propos concernant les solutions alternatives susceptibles d’être imaginées à ce sujet. La réflexion n’a, selon moi, pas été assez approfondie.
Cinquièmement, ce texte menace l’équilibre financier. Nous connaissons aujourd’hui le montant des rentrées fiscales et des prélèvements, nous en avons à nouveau parlé cet après-midi. Cela représente 5, 5 milliards d’euros. Nous le savons bien, les recettes seront moindres à l’avenir puisque vous avez décidé de baisser les taux de façon assez drastique. L’équilibre financier va être très largement déficitaire. À une période où les finances publiques ont tant besoin de l’attention du Parlement et des décideurs publics, ce projet de loi va incontestablement à l’encontre des exigences actuelles de l’équilibre des finances publiques dans notre pays. Cela est très inquiétant. D’ailleurs, on a du mal à comprendre. D’après ce que j’ai cru comprendre, M. le ministre n’était pas très favorable aux niveaux des taux arrêtés et à l’évolution vers une situation un peu plus difficile sur le plan financier. J’interprète peut-être, monsieur le ministre, mais c’est mon impression. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas très satisfaisant pour notre pays.
Sixièmement, ce texte annonce un déferlement de la publicité sur nos concitoyens. Nous avons tenté, sans succès, de réglementer cette publicité tous azimuts. Nous avons proposé un certain nombre de correctifs et d’instruments de régulation, et des mécanismes pour restreindre l’accès de la jeunesse à ces publicités. Aucun de nos amendements n’a été adopté à ce sujet. À mes yeux, il s’agit de l’un des points noirs de ce débat parlementaire au Sénat.