Intervention de Bernard Vera

Réunion du 24 février 2010 à 14h30
Jeux d'argent et de hasard en ligne — Vote sur l'ensemble

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, au terme de la discussion de ce projet de loi, faire quelques observations.

Ce projet de loi ne prend la défense de l'intérêt général, ce qui est pourtant la raison d’être de la loi, que dans ses articles initiaux.

Le jeu d'argent n'est pas une activité économique ordinaire ni un commerce ordinaire. Il est potentiellement générateur de troubles à l'ordre public, à la sécurité publique et à la santé publique. Il participe donc d'une série d'activités réglementées sur lesquelles la règle européenne de concurrence libre et non faussée n'a pas à être plaquée aveuglément, sans y regarder d'un peu plus près. Il conviendra sans doute de nous demander, dans le cadre d'une procédure constitutionnelle, si le principe de subsidiarité ne doit pas trouver à s'appliquer plus largement qu'aujourd'hui sur ces questions, puisque, à défaut d'une directive générique, les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes, la CJCE, nous permettront de nous déterminer. L’arrêt Santa Casa le montre, des limites peuvent être posées aux potentiels abus des opérateurs de jeux en ligne, et ce en fonction d'impératifs propres à la situation de chaque pays.

Sur le fond politique, ce n’est pas l’intérêt général qui est défendu par le texte du projet de loi. C'est en effet plutôt, ainsi que le précise le rapport au fond, le « modèle économique » porté par les opérateurs.

En d’autres termes, mes chers collègues, voter cette loi revient à faire primer des intérêts privés sur toute autre considération, au détriment notamment des principes de prévention du risque d’addiction lié au développement du jeu, ou encore des recettes fiscales de l'État et de celles de la sécurité sociale.

Nous l’avons dit, la filière équine, dans son ensemble, sera fragilisée par le modèle économique porté par le texte. Or, avec 35 000 emplois directs et autant d'emplois induits, elle est le premier vecteur d'emplois de l'ensemble de la filière du jeu et du tourisme de loisir.

Le second secteur le plus en difficulté est celui des casinos en dur. Comme chacun le sait, toutes les stations thermales, balnéaires ou climatiques susceptibles d’accueillir un casino n'en sont pas nécessairement pourvues aujourd'hui. S’il y a en effet 197 casinos sur le territoire métropolitain et outre-mer, on dénombre, par exemple, plus de 150 stations thermales, dont une bonne part est parfaitement dépourvue d'un tel équipement. Plusieurs communes ont d'ailleurs lancé des procédures d’appels d'offres, demeurées pour l’heure infructueuses.

Par ailleurs, le secteur des casinos est l'objet, depuis plusieurs années, d'une forte concentration. Celle-ci se traduit par l'expansion de groupes intégrés, dont les activités de jeu vont de pair avec des activités touristiques, thermales et autres. Mais la contraction du produit des jeux constatée ces derniers temps risque fort de créer, notamment pour les groupes de casinos d'implantation régionale ou les indépendants, des menaces de rupture de concession ou de fermeture, si tant est que le casino « virtuel » rencontre un certain succès.

Ainsi, un second secteur d'activité, employant plus de 20 000 personnes – une centaine en moyenne par établissement – pourrait subir le contrecoup de cette loi.

Au final, selon nous, les quelques incertaines recettes fiscales perçues par l'État sur les mouvements enregistrés au titre des paris sportifs, des courses hippiques en ligne ou des jeux de cercle en réseau risquent fort d'être largement compensées par le coût social engendré par la disparition des emplois dans les filières existantes.

Or, à ce jeu de qui perd gagne, nous pouvons le supposer, les salariés du secteur, les collectivités locales ou les organismes d'assurance chômage garderont dans leur main les mauvaises cartes.

Pour autant, nous ne pouvons être certains de protéger l'éthique sportive des risques de dérive, et les parieurs de l'addiction et des indélicatesses d'opérateurs rapidement défaillants.

Décidément, rien ne peut nous inciter à modifier notre position initiale : nous voterons contre le texte résultant de nos travaux.

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