En trois mois, durant des centaines d'heures, nous avons organisé plus de trente-sept réunions avec toutes les organisations syndicales. Ainsi, nous avons apporté des réponses à soixante et onze questions, tout à fait légitimes. Nous les tenons à votre disposition.
À l'issue de cette concertation, je puis vous dire que le comité d'entreprise du groupe Suez est favorable à ce projet de fusion. Une partie des organisations syndicales de Gaz de France le sont. Je respecte par principe l'opinion de celles qui ne le sont pas. Telle était ma conviction avant que je sois ministre ; elle n'a pas changé.
Au demeurant, il est vrai que cette concertation nous a permis de réaliser de réels progrès. Certes, elle a duré longtemps, mais elle était indispensable pour pouvoir partager ensemble les réalités d'un tel projet.
La concertation a également été menée d'un point de vue juridique, puisque nous avons saisi le Conseil d'État, qui a confirmé que la privatisation de Gaz de France était possible, et n'aurait aucune conséquence sur le périmètre des activités actuelles de l'entreprise.
La concertation s'est aussi faite d'un point de vue sectoriel. Le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz a été saisi d'une concertation sur l'adaptation nécessaire du marché de l'énergie en France à nos engagements européens. Au terme d'un travail d'un grand sérieux, que je tiens à souligner, mené par le député M. Jean-Claude Lenoir avec la contribution active d'un certain nombre de sénateurs, à qui je tiens à rendre hommage également, il a pu orienter clairement nos travaux afin de préserver les intérêts des consommateurs ; j'y reviendrai tout à l'heure.
Avec les parlementaires, nous avons voulu ce débat dans le temps de la concertation pour permettre à chacun de peser l'ensemble des enjeux liés à ce projet et au secteur de l'énergie, et à François Loos et à moi-même de vous apporter les réponses aux questions que vous vous posez aujourd'hui.
Viendra ensuite le deuxième temps, celui du débat législatif, si vous partagez l'opinion du Gouvernement sur la nécessité de donner à Gaz de France la souplesse nécessaire à la réalisation de ses projets et alliances industrielles, pour faire face aux nouveaux défis de l'énergie tout en sécurisant les aspects stratégiques pour la nation et les consommateurs.
D'ores et déjà, nous avons entendu les questions qui émergeaient, ici et là, de votre part ainsi que de la part des partenaires sociaux et de l'ensemble des acteurs, et que je vais résumer.
Tout d'abord, quel est le niveau adéquat de contrôle du capital Gaz de France par l'État ?
Il faut trouver un équilibre entre la flexibilité nécessaire pour que Gaz de France puisse nouer des alliances et le contrôle d'une part suffisante du capital de l'entreprise par l'État afin de préserver les intérêts stratégiques de l'État actionnaire.
Comprenons-nous bien : il ne s'agit en aucun cas de vendre des actions par le biais d'un tel projet. Nous réfléchissons tout simplement au moyen de donner à Gaz de France, par le biais de fusions par exemple, la possibilité de les réaliser avec des échanges capitalistiques sans que l'État cède une action. Nous ne sommes donc pas en train de discuter sur le fait de savoir s'il faut passer en dessous de la barre 50 % pour que l'État et le Trésor public puissent céder ces actions. Il s'agit uniquement d'utiliser la liberté du capital, comme toute entreprise et tout acteur, pour éventuellement pouvoir procéder à des mouvements de fusion afin de renforcer le périmètre de l'entreprise.
Pour cela, il est souhaitable de ramener l'obligation de détention du capital de Gaz de France par l'État à un tiers. Le tiers donne précisément à l'actionnaire qui le possède, et le contrôle, les pouvoirs de la minorité de blocage. Avec cela, l'État conserve des pouvoirs d'actionnaire très significatifs. Par cette fameuse minorité de blocage, il a la possibilité de s'opposer à toute décision qu'il jugerait contraire à ses intérêts d'actionnaire. Il conserve aussi tous les pouvoirs de régulation qu'il a déjà aujourd'hui et qui n'ont rien à voir avec la détention du capital dans Gaz de France ou un autre acteur. §
Pour compléter ces pouvoirs d'actionnaire, il nous paraît indispensable que le projet de loi prévoie les mesures permettant d'assurer le contrôle public sur le nouveau groupe, afin que les intérêts nationaux, notamment dans les terminaux gaziers et pour les activités de réseaux, soient protégés, en particulier en ce qui concerne la sécurité d'approvisionnement.
C'est à cette fin que la mise en place d'une action spécifique sera proposée. Elle permettra à l'État de s'opposer à toute décision de l'entreprise qui remettrait en cause les intérêts nationaux, dans le respect, bien évidemment, de nos engagements européens. Enfin, des commissaires du Gouvernement seront placés dans les filiales régulées du nouveau groupe.
Quelle sera la prochaine étape et le nouveau groupe sera-t-il « OPéAble » ?
Avec plus d'un tiers du capital détenu par l'État, les évolutions industrielles ou capitalistiques futures du groupe supposeront nécessairement le soutien de l'État, qui aura donc son mot à dire. Les intérêts de l'État actionnaire seront donc intégralement protégés.
Autre question qui est revenue souvent : y a-t-il un impact sur les missions de service public et sur les tarifs ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux le dire de la façon la plus claire, il n'y a aucun lien entre la détention du capital et les tarifs ou la définition des missions de service public. L'un comme l'autre sont, et resteront, définis par l'État sous le contrôle de la Commission de régulation de l'énergie.
J'ajoute que tous les engagements envers les partenaires sociaux seront respectés : le statut du personnel des industries électriques et gazières sera maintenu, l'existence d'un service commun entre EDF et Gaz de France pour la distribution sera réaffirmée dans la loi.
Comment assurer la protection du consommateur sur le marché de l'énergie ? Cette question est essentielle et je veux m'y arrêter un instant.
La protection du consommateur est une préoccupation première du Gouvernement, même si elle se pose de toute façon indépendamment du capital de Gaz de France. Nous devons faire des choix importants pour l'organisation du marché de l'électricité et du gaz en France.
Je veux tout d'abord faire le point précisément sur la fourniture de gaz et d'électricité aux particuliers.
Nous devons éviter une situation de vide juridique au 1er juillet 2007 ; ce point est très important. Des mesures législatives sont nécessaires pour transposer les directives européennes sur le marché de l'énergie dans des conditions permettant la protection des consommateurs.
Les directives européennes de 2003 prévoient l'ouverture complète à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz. Ces directives sont d'application directe sur certains points. Ainsi, même sans transposition législative, nous devons en être tous conscients, les consommateurs pourraient se faire démarcher dès le 1er juillet 2007 par des concurrents d'EDF et de Gaz de France, qu'ils soient français ou étrangers.