Mais encore faut-il, pour en débattre, avoir un texte de loi !
En conclusion, au terme d'un processus approfondi de préparation, nous entrons désormais dans une phase au cours de laquelle chacun devra se déterminer sur ce projet. Il s'agit d'un grand projet industriel, qu'on a instruit avec soin, en prenant le temps de la concertation avec les consommateurs, les salariés et, bien évidemment, les parlementaires, qui auront à décider si nous devons ou non aller de l'avant. C'est peut-être l'une des premières fois que nous prenons autant de temps, mais c'est nécessaire.
Nous devons réfléchir à l'avenir de nos entreprises importantes. Nous mesurons pleinement l'enjeu de ce grand projet, qui est à la mesure des défis lancés à notre pays et à nos entreprises en matière d'évolution de la politique mondiale dans le secteur de l'énergie.
La France se doit de défendre son excellence industrielle dans ce domaine. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, l'action du Gouvernement nous prépare à l'ère du pétrole cher sur la scène nationale, européenne et internationale. Cette action doit pouvoir s'appuyer sur des groupes industriels puissants, de taille mondiale. Avec EDF, elle a le premier électricien nucléaire mondial ; avec AREVA, elle a le numéro un mondial du nucléaire ; avec Total, elle a l'un des premiers groupes pétroliers au monde.
Je le répète, soyons lucides sur la situation actuelle de Gaz de France. Même si cette entreprise a des qualités et des mérites propres sur le territoire national, elle ne se situe pas dans la même catégorie qu'EDF, AREVA ou Total. C'est pourquoi il est vital pour Gaz de France d'avoir la capacité de nouer des alliances stratégiques.
Aujourd'hui, nous pouvons créer un quatrième leader mondial de l'énergie, situé en France et en Belgique. Devons-nous saisir cette chance ? Gaz de France a-t-il un autre partenaire potentiel ? La question nous est posée ici et maintenant. Ce qui est possible maintenant ne le sera plus forcément dans quelques mois, et encore moins dans quelques années.
Alors ne nous trompons pas de débat. Compte tenu des changements majeurs que j'ai rappelés tout à l'heure, nous aurions pu les uns ou les autres souhaiter un autre calendrier pour faire évoluer la loi de 2004. Mais la réalité du monde économique qui nous entoure en a décidé autrement. C'est un fait. La consolidation du secteur de l'énergie est déjà en route en Europe et dans le monde, sans aucune considération pour les différentes échéances électorales.
Nous aurions pu souhaiter une étape intermédiaire avant la fusion. Fort de mon expérience, j'ai moi-même examiné très sérieusement cette option. Toutefois, je rappelle que telle n'était pas la proposition des deux entreprises concernées. Face aux défis qui sont les leurs, celles-ci ont estimé qu'il était de leur devoir de proposer immédiatement une fusion totale. Faisons abstraction de ces éventuels regrets, car le débat ne doit porter que sur quatre vraies questions.
Tout d'abord, faut-il ou non autoriser Gaz de France à faire évoluer la structure de son capital pour préserver son avenir, afin de pouvoir jouer son rôle à armes égales dans la consolidation européenne ?
J'entends ici ou là certains prétendre que l'on pourrait peut-être envisager d'autres alliances, d'autres partenariats, mais je les mets en garde contre de telles idées. Laissons aux entreprises la responsabilité de proposer à leurs actionnaires leur propre stratégie, car ces derniers valident ou invalident, au sein des conseils d'administration, les décisions qui leur sont soumises. À charge pour le Gouvernement et le Parlement de définir le cadre dans lequel cette opération doit se dérouler. Telle est tout simplement la première question que je vous pose, mesdames, messieurs les sénateurs. Estimons-nous que Gaz de France aura, avec l'obligation de détenir 70 % du capital, une marge suffisante pour pouvoir nouer des grandes alliances industrielles ?