Intervention de Roland Courteau

Réunion du 15 juin 2006 à 9h30
Politique énergétique de la france — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Ballotté par sa majorité, laquelle est de plus en plus divisée sur des questions pourtant fondamentales pour l'avenir de notre société, ce gouvernement donne parfois l'impression, après la crise du CPE et l'affaire Clearstream, de ne plus être en capacité de gouverner, mais de vouloir passer en force.

La volonté du Premier ministre de faire adopter cet été, à la sauvette, au cours d'une session extraordinaire, un projet de loi de privatisation de Gaz de France, de surcroît contre une majorité de parlementaires, en témoigne. Une telle attitude rend compte, en fait, de l'absence de politique industrielle et de politique de régulation dans le domaine de l'énergie, et donc de l'absence de vision à long terme.

Le laisser-faire et la libéralisation sans régulation s'accommodent mal avec les intérêts stratégiques d'un tel secteur et les besoins des populations.

Ainsi, l'article 24 de la loi d'août 2004 obligeant l'État à détenir au moins 70 % du capital de Gaz de France, et traduisant les très forts engagements de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'économie, de ne pas privatiser cette entreprise, est aujourd'hui, soit à peine deux ans après son adoption, totalement remis en cause.

Nicolas Sarkozy ne soulignait-il pas, lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi modifiant le statut d'EDF et de Gaz de France : « Le projet de loi préserve le caractère intégré de chacune des entreprises. »

C'est à cela aussi, messieurs les ministres, que se jugent la cohérence et la continuité de la politique du Gouvernement. En la matière, de reniements en renoncements, c'est l'instabilité qui domine et la crédibilité de l'action du Gouvernement qui est largement atteinte.

Enfin, ce sont nos institutions mêmes qui sont visées. Le Parlement a adopté cette loi en maintenant la participation de l'État au capital d'EDF et de Gaz de France à 70 % au minimum. Or, deux ans après seulement, et même si le monde va vite, paraît-il, le projet de fusion pourrait faire descendre le capital de l'État à un tiers, à savoir le seuil de la minorité de blocage.

Dans tous les cas, et même dans l'hypothèse où l'absorption de Gaz de France par Suez échouerait, un projet de loi entérinerait la privatisation de GDF et risquerait à terme, par le biais d'autres opérations de fusion-acquisition, d'aboutir à la totale disparition de l'actionnariat public.

Ainsi, cette opération boursière par échange de titres se réaliserait en dépit non seulement des très forts engagements de M. Sarkozy, mais encore en contradiction avec le préambule de la Constitution de 1946 qui dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

De reniements en reniements, ce sera bientôt le tour d'EDF. En effet, en raison des liens qui unissent les deux entreprises, compte tenu de leurs services communs, ce projet de fusion-absorption la touche directement.

La modification de l'article 24 de la loi d'août 2004 ne sera donc pas sans conséquence sur cette entreprise. D'autant que la privatisation de Gaz de France, par absorption par Suez, donnera naissance à un groupe concurrent frontal d'EDF.

Par ailleurs, Suez ne cache pas ses intentions de devenir un opérateur nucléaire en France.

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