... et mettre en place un pôle financier public visant à renforcer le rôle de l'État dans la détermination de la stratégie des entreprises ?
Par ailleurs, depuis la contre-attaque lancée par le Gouvernement, les choses ont beaucoup évolué. Le groupe Suez a fait jouer les mécanismes internes susceptibles de le protéger contre une OPA offensive. Le président de Suez ne m'a pas dit totalement le contraire, hier, en commission.
Des solutions différentes de l'échange de titres aboutissant inexorablement à la privatisation de GDF sont donc envisageables. Il n'y a aucune raison d'agir dans la précipitation, pour, au final, déstabiliser l'ensemble du secteur énergétique, à la veille de l'ouverture à la concurrence du marché pour l'ensemble des particuliers.
En matière de service public, il est utile de rappeler que l'article 1er de la loi de 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz confie à Gaz de France et à EDF des missions de service public.
Cet article précise que les objectifs et modalités de mise en oeuvre des missions de service public font l'objet de contrats entre l'État et les entreprises EDF et Gaz de France. Je n'énumère pas ces différentes missions, faute de temps, mais chacun ici les connaît. En cas de fusion entre GDF et Suez, que deviennent de tels contrats ? Je dois avouer que la réponse du président de GDF, hier, ne m'a pas particulièrement rassuré.
Autre question : les nouveaux opérateurs comme Suez seront-ils soumis à des obligations de service public ? Quel sort sera réservé à l'article 1er de cette loi ?
Le maintien des tarifs régulés du gaz est du ressort du Gouvernement ; nous aimerions l'entendre sur cette question. Ces tarifs seront-ils préservés en cas de privatisation de Gaz de France ? Et surtout, pour combien de temps ?
La disparition des tarifs régulés, progressive ou non, risque d'être particulièrement préjudiciable aux consommateurs résidant dans nos territoires ruraux, et partout où la rentabilité sera jugée insuffisante par les opérateurs privés, soucieux avant tout de servir les intérêts de leurs actionnaires.
Qu'il s'agisse de l'emploi ou du statut du personnel, d'importantes zones d'ombre apparaissent. Quant à la recherche classique des réductions de charges, sous la pression des actionnaires, elle risque d'être fatale à la qualité du service.
Mais, puisque nous sommes aujourd'hui dans un débat de politique énergétique, il est tout à fait opportun de se livrer à une sorte de bilan relatif à l'évolution des prix dans le secteur énergétique, qu'il s'agisse du gaz, de l'électricité, et même des carburants. Daniel Raoul, je crois, y reviendra.
Force est de constater que l'ouverture à la concurrence n'a pas eu les effets escomptés. Non seulement les prix ont augmenté dans des proportions importantes, mais leur formation est des plus opaques. Ainsi, les prix du marché ont-ils tiré vers le haut les prix réglementés, avec des demandes récurrentes de la part des directions d'EDF et GDF de les augmenter.
Dès lors, avec l'ouverture du marché en 2007, toute libéralisation sans régulation pèsera sur les PME et PMI et, à terme, sur le pouvoir d'achat des ménages. Toute perte de maîtrise de la politique tarifaire aura de graves conséquences sur la croissance, l'emploi et la qualité du service public. A cet égard, nous souhaitons, nous, qu'un nouveau débat européen ait lieu avant toute mise en concurrence pour les particuliers.
Mais, mes chers collègues, j'en viens à un autre sujet : les hausses des produits pétroliers. Nous venons de déposer deux propositions de loi visant à défendre le pouvoir d'achat des ménages, notamment des plus modestes.
La première vise à rétablir le mécanisme de la TIPP flottante, mis en place par le gouvernement Jospin en 2001 et supprimé par le gouvernement Raffarin en 2002.
L'objectif est d'assurer un lissage des effets des hausses de prix qui soit favorable à l'ensemble des consommateurs. Il convient de remarquer que, entre 2002 et 2006, le cours du baril de pétrole est passé de 25 dollars à un prix systématiquement supérieur à 60 dollars. Ainsi, en quatre ans, la hausse des prix à la pompe a-t-elle pu atteindre des sommets.
Il va sans dire que de telles augmentations sont lourdes de conséquences pour le pouvoir d'achat des ménages et pour les entreprises.
Nous proposons donc - c'est l'objet de la seconde proposition de loi - que l'effort soit partagé entre l'État et les compagnies pétrolières. Cela me semble légitime et conforme à l'intérêt national.
Force est, en effet, de constater que les compagnies pétrolières, en période de forte hausse du pétrole, améliorent mécaniquement leurs résultats. Ainsi, la principale compagnie française - Total - a réalisé 9 milliards d'euros de bénéfices en 2004 et 12 milliards d'euros en 2005. Pour 2006, on estime leur montant à environ 15 milliards d'euros.
Cette proposition de loi vise donc à majorer l'impôt sur les sociétés dû, en cas de progression forte du bénéfice des sociétés pétrolières d'une année sur l'autre.
Il convient de noter qu'un tel prélèvement avait été institué par le gouvernement Jospin en 2001, à l'époque où le baril était monté à 35 dollars. Il faut aussi souligner que le Royaume-Uni vient d'adopter une telle taxation, tandis que les États-unis s'apprêtent à emprunter le même chemin.
Le produit de cette taxe permettrait d'investir dans le développement des transports collectifs et ferroviaires, ainsi que dans la recherche publique en faveur des énergies alternatives au pétrole et des énergies renouvelables.
En effet, les mesures de protection du pouvoir d'achat et de défense de l'environnement ne doivent pas être opposées. C'est pourquoi nous proposons la mise en place de « titres de transports » sur le modèle de la « carte orange » en Île-de-France, qui pourraient être financés en partie par les employeurs afin d'inciter les salariés à utiliser les transports en commun. La promotion des transports collectifs et des modes alternatifs de déplacement doit devenir la priorité des pouvoirs publics.