Il n'est pas normal que l'Allemagne, pays peu ensoleillé, ait construit plus de maisons photovoltaïques que la France ; il n'est pas normal que ce pays, dont la vocation agricole est moins affirmée que la nôtre, produise plus de biocarburants que nous : 1, 1 million de tonnes par an, contre 400 000 chez nous.
La France ayant fait le choix quasiment du « tout nucléaire » électrique dans les années soixante-dix, d'autres pays constatent qu'elle bénéficie d'un degré d'indépendance supérieur au leur. L'option nucléaire apparaît à beaucoup comme incontournable, car elle est un atout dans la lutte contre les changements climatiques amorcée à Kyoto. Notre modèle énergétique fait donc des émules chez nos voisins européens : la Finlande a choisi cette énergie, et l'Allemagne, la Pologne, la Suède, l'Italie, l'Espagne reconsidèrent leurs choix. Avec l'EPR, réacteur de nouvelle génération, en construction à Flamanville et le projet européen ITER à Cadarache, la France prouve avec AREVA qu'elle est à la pointe de la technologie nucléaire.
Une véritable réflexion de fond sur la politique énergétique française doit s'insérer dans une approche européenne. Le conseil européen de mars dernier a souligné l'importance d'une politique européenne de l'énergie, jusqu'ici très insuffisante, voire inexistante. La France, accusée à tort, compte tenu du contexte, de patriotisme économique lors de l'annonce de la fusion de Suez et Gaz de France, n'a pas d'autre choix, sauf idéologique, que de privatiser cette entreprise : je le répète, l'absence de politique énergétique de l'Union européenne en est une des causes.
La crise gazière entre la Russie et l'Ukraine a mis en évidence la vulnérabilité des voies d'approvisionnement. Le Moyen-Orient et la Russie sont les principaux fournisseurs de l'Union européenne, mais des risques géopolitiques pourraient compromettre cet approvisionnement. Les politiques étrangères et de défense européennes sont vitales pour contrôler et protéger les ressources au niveau des diplomaties européennes.
Tendons la main à la Russie, renforçons la présence française et européenne en Asie centrale, menons une politique européenne dans le golfe Persique et avec l'Iran pour donner à ce pays une alternative, et non pas l'acculer à l'isolement.
Dans un monde boulimique d'énergie, où la diplomatie énergétique est une véritable stratégie, notamment pour les États-Unis, la Russie et la Chine, l'Union européenne ne fait qu'additionner des politiques nationales. Il est vital de mener une véritable politique européenne de l'énergie, et l'on ne peut être que stupéfait d'une prise de conscience aussi tardive. Notre pays peut et doit être à l'origine de cette politique, laquelle ne saurait être dissociée d'une politique étrangère et de défense.
Si nous ne mettons pas ces politiques en place, nous le paierons très cher, car ni l'Union européenne ni les pays qui la composent n'existeront plus sur l'échiquier international. §