Pourtant, les autorités veulent aller plus loin par la création d'une autorité de sûreté nucléaire sous la forme d'une autorité administrative indépendante, chargée à la fois de la réglementation et du contrôle des activités nucléaires.
Cette nouvelle autorité omnipotente serait pourtant irresponsable, n'étant pas dotée de la personnalité juridique.
Étonnante coïncidence, cette nouvelle autorité de régulation verra le jour au moment même de la création du géant européen Gaz de Suez, qui va faire voler en éclat le monopole public d'exploitation des centrales nucléaires productrices d'électricité.
En permettant à Suez d'exploiter des centrales nucléaires en France, vous prenez des risques inconsidérés avec la sécurité.
Troisième conséquence de la déréglementation : la rupture de la continuité du service public. Nous avons, dans ce domaine, de nombreux exemples de pays qui nous ont précédés sur la voie de la libéralisation de l'énergie. Par exemple, tout le monde se souvient des ruptures d'approvisionnement qui avaient frappé l'État de Californie, mais également, plus près de nous, l'Italie.
En effet, la gestion à flux tendu ne peut aboutir qu'à des ruptures d'approvisionnement. Pourtant, cette situation est extrêmement préjudiciable pour les industries comme pour les particuliers.
La déréglementation du secteur promet également une rupture de la continuité territoriale. En effet, la fin du principe de péréquation implique de juger de la rentabilité de chaque prestation, pour chaque particulier, pour chaque entreprise, dans le cadre du principe de la « vérité des prix ».
Ainsi, les populations et les industriels des territoires enclavés verront leur facture augmenter inévitablement, puisqu'il sera plus contraignant pour l'entreprise énergétique de leur distribuer de l'électricité.
C'est pourtant bien le fait qu'EDF et GDF soient des entreprises publiques qui a permis ce maillage du territoire afin de garantir à tous une égalité de l'accès à l'énergie. Cette absence de politique publique va donc se traduire par une remise en cause de l'aménagement équilibré des territoires.
Je voudrais maintenant aborder la question environnementale dans le cadre des politiques énergétiques.
Si l'impératif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, affirmé dans le protocole de Kyoto, est une nécessité absolue, le discours tenu dans ce domaine par les pouvoirs publics est très culpabilisant et il me semble extrêmement réducteur.
En effet, la consommation mondiale d'énergie ne cesse de croître, ce qui est dû également au développement des pays du Sud. Ainsi, si l'on souhaite que chaque pays se développe, que les relations Nord-Sud s'équilibrent, la question devrait être celle de la diversification des ressources énergétiques, plutôt que de la réduction de la consommation.
Or, cette diversification du bouquet énergétique et la transition à une société post-pétrolière ne pourront se faire que par des investissements massifs en faveur de la recherche. Comment veut-on que des entreprises privées, dont l'unique souci est de faire de l'argent, investissent un centime pour le développement d'autres énergies, sans une incitation forte des pouvoirs publics ?
Nous l'avons déjà dit, le marché ne peut penser le long terme. Pour simple exemple, le budget recherche d'EDF a été amputé de 30 %
Dans ce sens, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen affirment le besoin d'une maîtrise publique de la politique énergétique. Il s'agit également de la seule manière de remplir les engagements français de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris lors du protocole de Kyoto.
Je rappellerai à cette occasion que notre groupe intervient régulièrement sur l'importance des politiques de transport et de logement pour la réduction de l'émission de gaz à effet de serre. Dans ce cadre, une politique ambitieuse de fret ferroviaire est une nécessité, le transport routier étant responsable de 84 % de cette émission. Pourtant, depuis 2002, la subvention à ce type de transport a été divisée par trois.
Pour finir, nous soutenons que seules des entreprises publiques peuvent répondre aux missions de service public d'aménagement du territoire, d'égal accès, de sécurité et d'innovation.
Les choix du Conseil national de la Résistance restent donc d'une grande actualité. Le Conseil d'État, dans son avis sur ce projet de loi, reconnaît lui aussi clairement un rôle de service public national à GDF ; un tel statut implique nécessairement que GDF reste propriété de l'État.
M. Nicolas Sarkozy reconnaissait lui-même que « ces entreprises sont des grands services publics. Elles le resteront, ce qui signifie qu'elles ne seront pas privatisées ». Il est vrai que les choses ont changé depuis !
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen proposent la création d'un grand service de l'énergie au niveau européen, fondé non sur la concurrence des énergies, qui permet l'enrichissement de quelques-uns et une augmentation des tarifs pour tous, mais sur la mutualisation par des coopérations de services publics nationaux, seuls capables de réaliser les investissements nécessaires pour répondre aux besoins énergétiques à venir.
La politique énergétique à mettre en oeuvre doit permettre, à la fois, de répondre à la demande croissante d'énergie, mais également de garantir effectivement le droit d'accès à l'énergie pour tous, reconnu dans le préambule de la Constitution. Telles sont les conditions d'un progrès de société indispensable pour le xxie siècle.
Ainsi, la seule question qui se pose est de savoir si l'énergie est une marchandise comme les autres ou s'il s'agit d'un bien commun de l'humanité. De la réponse à cette question découlent le régime de propriété et le régime d'exploitation de ces services, mais également leur reconnaissance comme service public.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen continuent de penser que l'énergie est un bien commun dont l'État doit garantir l'accessibilité à tous.
L'argument que vous employez pour légitimer le rapprochement de GDF et de Suez est complètement fallacieux. En effet, vous invoquez la nécessité de faire naître un géant de l'énergie dans un contexte de concentration croissante des entreprises du secteur, alors que vous aviez précisément justifié la séparation de GDF et d'EDF par la volonté d'éviter toute concentration, censée nuire à la libre concurrence.
Sur ce point, nous sommes pourtant d'accord avec vous : seule une entreprise intégrée, proposant une offre complète et disposant d'une envergure importante permettra de garantir la mise en oeuvre d'un service public de qualité. Dans ce cadre, nous vous demandons effectivement la fusion d'EDF et de GDF, même si l'Europe la refuse. Nous avons toujours le droit de nous battre pour défendre nos arguments !
Par ailleurs, seule la création d'un pôle public de l'énergie serait en mesure d'organiser les synergies nécessaires, en reconnaissant la complémentarité des énergies. Ce pôle devrait notamment regrouper EDF, GDF, AREVA et Total.
En effet, le passage de monopoles publics à des oligopoles privés signifie non pas un progrès pour notre pays, mais plutôt un recul, en privant encore un peu plus le pouvoir politique de moyens de contrainte sur l'économie.
Nous constatons, d'ailleurs, bien souvent, que seule la maîtrise publique permet de réaliser les investissements nécessaires. Il n'est pas rare non plus que le secteur public vole au secours du privé lorsque les conditions du marché l'exigent. Nous disposons ainsi de quelques exemples où l'État a nationalisé de nouveau un secteur en faisant le constat de l'impossibilité pour le privé de garantir les droits fondamentaux des citoyens.
À l'inverse, quand un secteur devient particulièrement rentable, il faudrait alors nécessairement le céder au privé, comme ce fut le cas récemment concernant les concessions d'autoroutes. Ce n'est pas ce que nous appelons le patriotisme économique !
Vous l'aurez compris, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen restent fermement opposés à la privatisation de GDF et à sa fusion avec Suez, qui permettraient de livrer, au nom du patriotisme économique, le patrimoine commun des Français aux intérêts du grand capital.