Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 15 juin 2006 à 9h30
Politique énergétique de la france — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

À l'heure actuelle, les perspectives tracées par le Gouvernement pour l'avenir énergétique de la France se focalisent sur un projet de fusion, qui est au coeur de l'actualité. Aujourd'hui, comme hier à l'Assemblée nationale, le débat se limite à ce projet, avec pour résultat de semer le doute, y compris dans votre majorité !

De ce point de vue, le succès est total ! Effectivement, tout le monde, les observateurs les plus critiques, mais aussi la presse, la grande majorité des parlementaires et surtout les Français - c'est ce qui nous importe le plus -, chacun souligne le caractère précipité de votre proposition.

Monsieur le ministre, vous avez d'abord essayé de nous la vendre comme un projet mûri depuis plusieurs mois. Ensuite, le Premier ministre est monté au créneau en considérant que c'était une question de patriotisme économique ! Lequel de vous deux faut-il croire ?

Pour ma part, je souhaiterais simplement insister sur les points qui me paraissent essentiels pour nos concitoyens : la question des tarifs, comme l'a souligné notre collègue Arthuis, mais aussi celle de l'approvisionnement en énergie et celle de la création d'un véritable pôle public pour fournir les services d'intérêt général.

Enfin, je ne peux oublier qu'une véritable politique énergétique doit s'inscrire dans un périmètre européen et je souhaiterais, monsieur le ministre, que le problème de la taille critique que vous évoquiez concernant les entreprises soit pris en compte dans les réflexions de vos conseillers, afin que l'acheteur européen soit positionné au niveau mondial.

Concernant les tarifs, l'article 1er de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières précise que, dans le cadre de ses activités, en particulier de gestionnaire des réseaux, GDF « contribue à la cohésion sociale, notamment au travers de [...] l'harmonisation de ces tarifs pour le gaz et de la péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution ». S'il en de même pour les tarifs d'électricité pratiqués par EDF, je me pose, comme de nombreux Français, un certain nombre de questions.

En cas de fusion ou d'absorption de Gaz de France par Suez, que deviendront de tels contrats, dont le dernier a été signé pour la période 2005-2007 ? Les probables nouveaux opérateurs, comme Suez, seront-ils soumis à des obligations de service public, et quel sort sera alors réservé à l'article 1er de la loi d'août 2004 ?

Par ailleurs, le maintien des tarifs régulés du gaz est du ressort du Gouvernement. Nous aimerions donc entendre celui-ci sur cette question. Ces tarifs seront-ils préservés en cas de privatisation de Gaz de France, et si oui pour combien de temps ? Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que ce qui était vrai en 2004 ne l'était plus en 2006 ; je ne sais donc quelle valeur accorder aux engagements que vous prenez aujourd'hui...

La disparition des tarifs régulés que nous craignons risque d'être particulièrement préjudiciable aux consommateurs résidant dans les zones rurales et partout où la rentabilité sera jugée insuffisante par les opérateurs privés, soucieux avant tout de servir les intérêts de leurs actionnaires.

Sur ce point, en matière d'évolution des prix de l'énergie, quelques rappels méritent d'être faits.

Puisqu'il s'agit ici d'un débat relatif à la politique énergétique, il me semble tout à fait opportun de dresser aujourd'hui une espèce de bilan de l'évolution des prix dans le secteur énergétique, s'agissant tout particulièrement de l'électricité.

Notre indépendance énergétique, acquise grâce au nucléaire, n'a véritablement de sens que si nous sommes capables de maîtriser la formation de nos prix, sans être dépendants de fluctuations instables, déconnectées des coûts de production, fixés sur les marchés mondiaux. Cela vaut aussi à l'échelle européenne. Les entreprises du secteur - faut-il le rappeler ?- ont par ailleurs elles aussi besoin d'une certaine stabilité des coûts.

En décembre 2004, devant la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale, Pierre Gadonneix, président d'EDF, déclarait qu'il comptait notamment, pour financer le développement de son entreprise, « sur une évolution des tarifs au rythme de l'inflation et des prix. Les tarifs et les prix se rapprocheront ainsi, les prix du marché pouvant se stabiliser aux environs de 35 euros par mégawattheure. »

Qu'en est-il aujourd'hui, quand les prix du marché ont atteint 60 euros par mégawattheure, sans qu'une telle augmentation soit proportionnée à la hausse des coûts ? Autrement dit, l'envolée des prix n'a rien à voir avec les fondamentaux de notre économie. Les hausses de prix subies par les entreprises ont été comprises entre 48 % et 60 % : une telle évolution se justifie-t-elle, et à qui profite-t-elle ?

À cet égard, les résultats financiers d'EDF marquent une nette progression en 2005. En particulier, le résultat net a doublé, pour atteindre 3, 2 milliards d'euros. De tels chiffres ne justifient en rien les hausses de tarifs constatées.

Notons, au passage, qu'EDF versera, au titre de l'année 2005, 1, 4 milliard d'euros de dividendes à ses actionnaires, soit près de la moitié du résultat net réalisé cette même année.

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