Il s’agit là d’une question véritablement très difficile.
Se placer du point de vue de la victime, c'est-à-dire la personne qui a été agressée physiquement – en l’occurrence, ce ne peut être, par définition, qu’un détenu ou un membre du personnel pénitentiaire, et nul ne veut que cela advienne –, c’est méconnaître un autre aspect, celui auquel s’attache le plus la Cour européenne des droits l’homme, à savoir, non pas la dangerosité, mais l’état mental du détenu soumis à ce traitement de longue durée.
Je veux citer deux arrêts récents.
Dans l’arrêt Keenan contre Royaume-Uni, au sujet de cet homme qui s’est suicidé en cellule disciplinaire, la Cour a rappelé que le cas d’un prisonnier qui souffre de troubles mentaux et qui présente des risques suicidaires appelait des mesures particulièrement adaptées en vue d’assurer la compatibilité avec cet état. Le plus important est que la Cour a considéré que le fait d’infliger à Mark Keenan une sanction disciplinaire qualifiée de lourde – sept jours d’isolement dans le quartier disciplinaire, puis vingt-huit jours supplémentaires – constituait un traitement contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Dans l’arrêt Renolde contre France, qui nous touche directement et qui concerne également un suicide, en date du 16 octobre 2008 – c’est dire à quel point nous sommes dans l’actualité de la jurisprudence européenne en matière disciplinaire –, la Cour aborde la question des délais.
Joselito Renolde s’est vu infliger une sanction nettement plus lourde, à savoir quarante-cinq jours de cellule disciplinaire, ce qui a été jugé comme susceptible d’ébranler sa résistance physique et morale. La Cour a estimé qu’une telle sanction n’était pas compatible avec le niveau de traitement exigé à l’égard d’un malade mental et que cette sanction constituait un traitement et une peine inhumains et dégradants. La Cour a rappelé ensuite sa jurisprudence antérieure.
Il est important d’adapter la durée du placement en cellule disciplinaire à l’état mental du détenu. Il n’est pas concevable d’infliger des sanctions disciplinaires aussi sévères, qui sont effectivement inhumaines et dégradantes, comme les qualifie la Cour.
Cela étant, ce débat n’est pas clos et il faudrait pourvoir y consacrer du temps. C’est pourquoi une seconde lecture aurait été nécessaire. Durant la navette, on a le temps d’observer, de réfléchir, de rectifier.
Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faut soutenir la position de la commission, tout en continuant à réfléchir. Faisons un peu plus de droit comparé, y compris en tenant compte de la jurisprudence.