Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 15 juin 2006 à 15h00
Politique énergétique de la france — Suite du débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Je vous mets en garde contre ce type de méthode, monsieur le ministre. Les Français, à force d'être privés de débats forts, se détournent - ce n'est d'ailleurs pas étonnant - de la chose publique. Il ne faut pas non plus s'étonner des résultats, inattendus peut-être, obtenus à la suite de l'habitude prise par les élites de ce pays, notamment celles qui sont formées dans les grandes écoles, de ne présenter qu'une solution unique, sans examiner les différents scenarii possibles. Il est assez grave que le débat se déroule ainsi dans notre pays.

L'avant-projet de loi que vous voulez soumettre au Parlement, qui plus est en session extraordinaire, du moins s'agissant de sa première partie, est effectivement destiné, d'après ce que nous en connaissons, à privatiser GDF. Tous les débats tournent autour de cet enjeu et de la fusion de GDF avec Suez, qui nous est présentée comme la solution miracle aux problèmes de ces deux entreprises.

À moins d'un an d'une élection présidentielle majeure pour l'avenir de notre pays - tout le monde en convient -, on veut empêcher les Français d'indiquer leur choix quant à la meilleure stratégie pour allier la recherche de l'indépendance énergétique, la préservation d'un service public majeur et l'assurance de bénéficier d'une tarification juste.

Cet avant-projet de loi, d'après ce que nous en connaissons, je le répète, ne répond pas, en l'état, aux problèmes soulevés par l'augmentation des prix de l'énergie. Tous ceux de mes collègues qui se sont exprimés au cours de ce débat ont soulevé ce problème, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. Cet avant-projet de loi ne renforce pas la régulation et ne résout pas les dysfonctionnements du marché que j'évoquais plus haut.

S'il maintient, c'est bien le moins, la possibilité pour les ménages de se fournir au tarif réglementé après le 1er juillet 2007, cet avant-projet de loi ne règle pas le problème d'une partie des professionnels, à savoir les entreprises, notamment les nouvelles, qui seront confrontées à des tarifs très élevés alors qu'elles exercent les mêmes activités que les anciennes. Il y a là une rupture d'égalité majeure à laquelle vous n'avez pas encore apporté de solution.

En effet, à quoi sert l'ouverture totale à la concurrence si elle est défavorable aux consommateurs ? Le Gouvernement veut-il renégocier cette ouverture à l'échelon de l'Union européenne, et a-t-il la capacité de le faire ?

Il a été fait allusion ce matin au gouvernement de Lionel Jospin, notamment à ce qu'il aurait fait ou non. Je tiens donc à rappeler, comme l'a déjà fait mon collègue Daniel Raoul, que, lors du sommet de Barcelone, le Premier ministre avait posé des conditions, s'agissant notamment de la sécurité des approvisionnements, qui est essentielle.

Je vous rappelle également que, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, en 1997, le premier travail du secrétaire d'État à l'industrie, Christian Pierret, et du ministre des finances, Dominique Strauss-Kahn, avait été - je m'en souviens très bien, car j'étais député à l'époque - de se rendre séance tenante à Bruxelles afin d'y renégocier la directive postale, ce qu'ils avaient d'ailleurs réussi à faire. Je doute que vous ayez la même volonté, M. Raffarin ayant accepté, dès son arrivée au pouvoir en décembre 2002, la libéralisation totale au 1er juillet, sans aucune des conditions posées à Barcelone.

Quant à la fusion entre Gaz de France et Suez, elle a été qualifiée par un éminent représentant de votre majorité - hors débat public, il est vrai - d' « erreur industrielle ».

Tout au moins est-on en droit de se poser la question de la pertinence du projet industriel. Il se trouve, monsieur le ministre, que je connais bien l'une et l'autre des entreprises dont il est question, et que ce sont deux entreprises honorables du panorama français et européen.

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