Intervention de René Beaumont

Réunion du 15 juin 2006 à 15h00
Politique énergétique de la france — Suite du débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de René BeaumontRené Beaumont :

La France, grâce à deux grandes entreprises privées, est aujourd'hui un leader mondial dans ce domaine. Elle crée des emplois et permet la réalisation de progrès importants. Les profits réalisés dans le monde entier viennent largement abonder la ligne « Recherche et développement » de ce secteur et font de notre pays un véritable pionnier en la matière. Ne parle-t-on pas volontiers, par exemple, d'une école française de l'eau ?

En fait, face à cette offre publique d'achat italienne teintée d'opportunisme, à profit strictement italien mais à dégâts collatéraux colossaux en France, mieux vaudrait favoriser la perspective de l'émergence d'un grand groupe mondial leader européen dans le marché de l'énergie et de l'environnement, qui apparaît beaucoup plus séduisante et porteuse d'avenir en matière d'environnement et d'emploi.

La perspective de ce grand groupe n'est pas née cette année. Elle fait l'objet de discussions discrètes, mais très avancées, depuis deux ans et demi, entre les présidents de Gaz de France et de Suez.

Le côté comique de la situation est que Pierre Gadonneix, hier président de Gaz de France, est aujourd'hui à la tête d'EDF. En parfaite connaissance de cause, il regarde avec une certaine inquiétude la réussite d'une telle fusion qui créerait un nouveau concurrent national plus que pertinent. Loin de moi l'idée de critiquer les attitudes apparemment contradictoires de Pierre Gadonneix qui, dans les deux cas, n'a fait qu'accomplir la mission de prospective qui appartient à tout président d'un groupe important.

Je souligne, après d'autres orateurs, que, si le rapprochement de Gaz de France et de Suez ne se faisait pas, Gaz de France, très performant dans le domaine du gaz mais trop « mono-énergie » et restreint au marché français, demeurerait très isolé, sans vraie protection, donc facilement opéable à plus ou moins longue échéance par n'importe quel groupe étranger.

En fait, il faut doter la France de deux grands groupes énergétiques les plus différenciés et les plus performants possible : d'une part, EDF, dont la compétence et la notoriété ne sont plus à faire et qui s'affirme à l'heure actuelle, avec son partenaire AREVA, comme un leader mondial dans le domaine de l'énergie nucléaire de troisième génération et, d'autre part, un nouveau groupe mixte « environnement-énergie », né du rapprochement d'activités et de réseaux très complémentaires en France, capable de distribuer du gaz et de l'électricité aujourd'hui en France et en Belgique et demain dans toute l'Europe, qui est déjà leader mondial dans le transport de gaz naturel liquéfié grâce à une flotte de méthaniers sans concurrence, avec des terminaux aussi bien sur notre façade atlantique que sur notre façade méditerranéenne.

La concurrence entre ces deux entités sur notre territoire ne doit pas nous faire peur. Elle doit au contraire être le gage d'une fourniture d'énergie la plus diversifiée possible, de la meilleure qualité possible, à des prix forcément concurrentiels, et d'une véritable mainmise franco-française en matière de recherche et développement dans ce domaine d'avenir.

Rien n'empêcherait demain ce nouveau grand groupe européen d'envisager sereinement de traiter, par accord commercial ou par toute autre formule, le problème de la diversification des sources italiennes d'énergie, qui n'est peut-être pas notre préoccupation majeure, même si nous conservons, dans ce domaine comme dans d'autres, l'impérieux souci d'une solidarité européenne.

Le président de Suez a d'ailleurs confirmé ce matin, sur les ondes, cette hypothèse de négociation avec Enel.

En conclusion, je tiens à rappeler que, dans ce débat, nous avons pour mission de donner notre avis sur la diversification de l'approvisionnement en énergie de notre pays et sur la sécurité de ses approvisionnements. Il s'agit d'un débat général que j'ai volontiers laissé à d'autres, mais que nous ne pouvons passer sous silence, car l'opinion publique attend l'avis du Parlement sur la possibilité envisagée par deux grands groupes français de fusionner pour être plus performants dans le monde.

Le Gouvernement - le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en particulier - s'était engagé à nous consulter, mais il ne nous appartient en aucun cas de décider de cette fusion. Ce serait contraire à tous les principes d'une économie moderne.

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