Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 15 juin 2006 à 15h00
Politique énergétique de la france — Suite du débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Dans ces conditions, quel est donc le problème ? Le Premier ministre, Dominique de Villepin, a cédé à une tentation dont j'ai moi-même été victime voilà quelques années. Il s'agit de stipuler pour le compte d'autrui.

J'illustrerai mon propos par une petite histoire. Voilà quelques années, en tant que ministre de l'industrie, j'avais annoncé, avec le soutien des médias et de mon cabinet, la fusion de Volvo et de Renault. De très belles photos avaient été prises, avec Louis Schweitzer d'un côté et Pehr Gyllenhammar de l'autre, et j'avais l'impression d'être le phénix de l'industrie automobile et d'avoir ainsi sauvé la France ! J'avais simplement oublié que, en Suède, il y a des actionnaires. Or, quand le président d'une entreprise n'est pas soutenu par ces derniers, il peut être désavoué. M. Gyllenhammar, aussi francophone et francophile qu'il fût, a été désapprouvé par ses actionnaires suédois ; de mon côté, je me suis donc retrouvé quelque peu désavoué.

Aujourd'hui, nous éprouvons le même sentiment. Le Premier ministre annonce une fusion, en oubliant les actionnaires. Certes, nous connaissons la logique des actionnaires privés. J'ai d'ailleurs beaucoup de respect pour Albert Frère ; c'est un homme qui a réussi, qui sait s'exprimer et compter. Mais nous avons également affaire à des actionnaires publics. In fine, dans une République parlementaire, l'actionnaire public est non pas le Premier ministre, mais le Parlement, qui fait de la politique, parle au nom des électeurs et pense aux élections.

Nous aurions donc souhaité, monsieur le ministre, que le Parlement fût associé plus tôt à cette réflexion et que vous nous disiez plus précisément - ce sera ma conclusion, en forme d'interrogation - de quelles marges de manoeuvre le Parlement dispose au moment où on lui demande de se prononcer. En effet, si on lui demande de se prononcer sans prévoir de marge de manoeuvre, cela ne présente pas beaucoup d'intérêt. En outre, ce n'est pas conforme à l'esprit des institutions de la Ve République.

Sur ces deux sujets, trois questions méritent d'être posées. Premièrement, s'agissant de la méthode, faut-il examiner un seul texte ou deux textes simultanément ? Je ne trancherai pas cette question à votre place, monsieur le ministre.

Deuxièmement, sur le texte relatif à la transposition de la directive, comment assurer la compatibilité entre une rente du nucléaire qui appartient à tous les Français, qui est notre oeuvre collective, et la concurrence entre acteurs privés ? Comment faire en sorte que cette rente profite à ceux qui l'ont créée et non pas à ceux qui voudraient aujourd'hui profiter de ce que d'autres ont eu le courage de faire ?

Troisièmement, concernant la fusion de Suez et Gaz de France, certains propos ont été tenus par des personnes pour lesquelles j'ai la plus grande amitié et le plus grand respect. Entre-temps, le prix du baril de pétrole est passé de 28 dollars à 70 dollars, et ceci explique sans doute cela. Mais, monsieur le ministre, entre la barre des 80 % actuels et celle des 34 % de votre projet de loi et une option défensive difficile à comprendre puisque la fusion était antérieure à l'agression, laquelle n'est pas aussi forte qu'auparavant, existe-t-il des solutions intermédiaires pour permettre d'avancer, c'est-à-dire établir avec certitude que Gaz de France et Suez auront partie liée, sans boucler définitivement cette union à deux, au cas où un troisième acteur, dans des conditions acceptables, se proposerait de participer à un projet européen ?

Très concrètement, dans le projet de loi dont nous disposons, vous avez fixé la barre à 34 %. S'agit-il d'une barre absolue ou bien existe-t-il une marge de manoeuvre ?

Bien évidemment, le Sénat n'est pas l'Assemblée nationale ! Il s'agit non pas seulement du mode d'élection, mais aussi du fonctionnement de la Haute Assemblée, puisque l'article 49-3 de la Constitution ne peut y être utilisé ! Au Sénat, on discute donc vraiment et jusqu'au bout, en particulier lorsque nos collègues socialistes, tel M. Frimat, nous rejoignent.

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