Intervention de Thierry Breton

Réunion du 15 juin 2006 à 15h00
Politique énergétique de la france — Suite du débat sur une déclaration du gouvernement

Thierry Breton, ministre :

... ce qui reflète, à l'évidence, le sérieux, l'importance, la justesse du débat, ainsi sans doute que sa nécessité pour éclairer le pays sur des choix stratégiques pour notre avenir et celui de nos concitoyens. C'est un débat qui, je tiens à le dire, honore la représentation nationale !

Avant d'entrer dans le détail des questions et des réponses que je vais tenter d'y apporter, je voudrais, à ce stade de la concertation - car nous n'en sommes que là -, bien séparer les choses ; c'est d'ailleurs vraiment l'esprit dans lequel je suis aujourd'hui.

Premier « paquet », le problème posé à Gaz de France. Je ne parle pas de Suez. Un consensus s'est en quelque sorte dégagé pour dire que l'entreprise est sans doute engoncée aujourd'hui dans des statuts qui ne lui permettent pas de faire face aux défis nouveaux par rapport à la situation qui prévalait voilà encore quelques semestres ; je pense notamment au prix du baril du pétrole qui a augmenté, passant, en moins de deux ans, de 28 dollars à plus de 70 dollars. Vous l'avez rappelé les uns et les autres, cela devrait vraisemblablement perdurer. Il est effectivement de notre responsabilité de faire face à cet événement nouveau.

Comme l'a excellemment fait Patrick Devedjian hier à l'Assemblée nationale, lui qui a défendu, voilà moins de deux ans, le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières devant la représentation nationale, il faut avoir le courage de dire qu'il est absolument nécessaire d'évoluer, parce que les temps ont changé, quel que soit ce que la représentation nationale a voté. Bien sûr qu'elle a voté ! C'est l'objet de ma présence ici aujourd'hui. La représentation nationale aura à décider s'il convient ou non d'aller de l'avant.

Après quatre mois d'études et d'analyses détaillées de ma part et de celle de mes collaborateurs, mon devoir et ma responsabilité de ministre est de vous le dire : il est important de faire évoluer le statut de Gaz de France afin de lui donner les moyens d'aller de l'avant et de faire face à ces nouveaux défis.

Pouvons-nous réduire la participation de l'État à zéro, monsieur Longuet ? Ce n'est pas ce que je propose. Compte tenu de l'évolution, il convient de s'arrêter à 34 % afin de conserver la minorité de blocage sans trop contraindre.

À la veille de la bulle des télécommunications, le gouvernement de l'époque n'a pas eu le courage de faire ce qu'il fallait - vous n'aviez pas manqué de le critiquer ! -, ce qui a conduit à la quasi-faillite de l'un de nos plus grands opérateurs. Je suis bien placé pour le savoir ! Voulons-nous recommencer à la veille d'une nouvelle bulle, une bulle énergétique cette fois ? Le moment venu, il faudra que les uns et les autres prennent leurs responsabilités. C'est comme cela que cette question sera posée devant l'opinion. C'est en tout cas ainsi que je me la pose. Il est vrai qu'il faudra en débattre, mais je sais trop ce que cela a coûté, pour les entreprises, de ne pas aller au bout, pour omettre de le rappeler à un moment qui sera crucial.

Nous avons, j'en suis convaincu, les moyens de contrôler, de garantir, les intérêts stratégiques de l'État actionnaire. Cela suppose, d'une part, une minorité de blocage à 34 % pour qu'aucune décision stratégique ne soit prise sans l'aval de l'État actionnaire et donc pour préserver ses intérêts, et, d'autre part, une action spécifique pour préserver les intérêts stratégiques dont Gaz de France a la charge, en particulier les terminaux méthaniers et les réserves stratégiques. On en discutera, mais c'est ma conviction après avoir instruit ce dossier, sans arrière-pensées, sans idées préconçues, le Premier ministre m'ayant demandé, après l'annonce du soutien de l'État actionnaire, de mener une très large concertation.

Peut-être ai-je mis trop longtemps ? Quatre mois. En mon âme et conscience, je pense vraiment qu'il était nécessaire de passer du temps avec l'ensemble des parties prenantes, en particulier les organisations syndicales, les salariés. Ceux de Suez ont, ce matin, pris sur leurs ressources propres les moyens de s'offrir, dans un grand quotidien, une demi-page pour dire, au nom du comité d'entreprise, toutes tendances syndicales confondues, que les 60 000 salariés français de Suez soutenaient à fond ce projet important pour l'avenir de leur entreprise.

Il a fallu trente-sept réunions, des centaines d'heures de discussions, d'explications, d'interrogations mutuelles. Je voulais aujourd'hui parler de tout cela avec vous, partager cette expérience, cette richesse aussi, née d'un tel dialogue, car il s'agit d'un moment important, d'un moment républicain. Je suis fier d'avoir mené ce travail au nom du Gouvernement, fier de la façon dont les organisations syndicales ont assumé pleinement leur rôle, et, même si je ne partage pas les options de tous, je suis fier pour notre pays d'avoir eu un dialogue de cette qualité.

Second « paquet » : la transposition de la directive. Vous avez raison, monsieur Longuet, il est important, pour la clarification du débat, de séparer les deux paquets, même si, selon le volet juridique de la concertation que j'ai menée, la conclusion était que les deux sujets devaient être votés simultanément, afin, tout simplement, de faire en sorte que le premier soit constitutionnel. C'est une décision du Conseil d'État.

On peut se poser la question de savoir s'il faut faire un paquet commun ou deux paquets. Cela fait effectivement partie des éléments dont il faut débattre. Vous avez parfaitement raison de préciser - cela a d'ailleurs été rappelé à maintes reprises dans le débat - qu'il s'agissait de sujets de nature différente.

Il convient de veiller à ce que la transposition de la directive assure la protection des consommateurs. C'est le rôle du Gouvernement, et celui du Parlement. Nous devons donc veiller ensemble à ce que, dans ce bien peu commun, différent, qu'est l'énergie, tout soit fait pour assurer la protection des consommateurs, notamment dans le cadre de l'application de cette directive.

Si nous ne transposons pas cette directive - cela a été dit, mais je le répète -, elle s'appliquera sans que nous ayons eu la possibilité d'expliquer ce à quoi nous tenions, et vraisemblablement sans beaucoup de protection, voire pas de protection du tout, pour les consommateurs.

Par conséquent, il est important d'avoir ce débat en parallèle pour se poser toutes les questions qu'il est nécessaire de soulever, notamment celle de la rente nucléaire, sachant que nous devrons chercher ensemble les réponses - c'est le rôle du Parlement - afin de trouver les meilleures. Je recommande aux uns et aux autres de ne pas attendre. Voilà ma conviction.

Il faut non pas éluder les deux sujets qui ont été évoqués, mais, au contraire, avoir le courage de les affronter et d'en débattre.

J'en viens au projet de fusion entre Suez et Gaz de France.

Monsieur Longuet, nous savons tous ici - en tout cas vous et moi, c'est certain - qu'il ne nous appartient pas de définir quel est le bon partenaire pour telle ou telle entreprise. En revanche, il est de notre responsabilité de définir le champ d'intervention des entreprises, à charge pour elles de présenter, au sein de leurs organes de direction, les stratégies et les projets qui sont les leurs, approuvés ou non par les conseils d'administration. L'État étant majoritairement représenté au sein de Gaz de France, il est évident qu'il jouera pleinement son rôle d'actionnaire.

C'est ce que nous avons fait lorsque, sollicités par Gaz de France, en tant que premier actionnaire représenté au sein du conseil d'administration, pour donner notre avis, nous avons répondu, après avoir analysé le projet proposé par Gaz de France à ses instances de direction, le projet proposé par Suez à ses instances de direction, qu'il s'agissait, pour ce qui nous concerne à Gaz de France, d'un bon projet.

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