Vous avez rappelé l'action du Gouvernement dans le secteur de l'énergie, et notamment le choix de conserver le bénéfice de l'option nucléaire. Ce choix permettra de garantir la sécurité d'approvisionnement en électricité et la compétitivité des coûts de production du parc nucléaire. J'ajoute que la France est le seul pays européen à avoir pris un engagement tendant à modérer les tarifs pour les consommateurs. L'engagement a en effet été pris que les tarifs de l'électricité ne dépasseraient pas l'inflation. C'est une façon de partager la rente nucléaire avec l'ensemble de nos compatriotes qui ont contribué à la constituer.
Certes, vous l'avez souligné, le niveau des prix a fortement progressé, ces dernières années, sur les marchés libres. J'entends le mécontentement de certaines PME et PMI : sur les trois millions de PME et PMI que compte la France, six cents d'entre elles se seraient exprimées de la sorte. Il faut prendre en considération leurs doléances, car les prix de leurs contrats augmentent d'une façon parfois inacceptable. Vous l'avez entendu, monsieur le sénateur, je me suis exprimé publiquement sur ce point, et je partage totalement votre analyse.
À cet égard, même si j'ai bien conscience de la nécessité d'aller plus loin, je dirai que le Gouvernement n'est pas resté inactif. Si nous estimons qu'il faut légiférer, je suis prêt à débattre avec vous de la manière dont nous pourrions - n'ayons pas peur des mots - accroître la pression sur les opérateurs qui ne respecteraient pas suffisamment leurs clients, afin que les PME et PMI, notamment, retrouvent une certaine normalité en matière de tarification.
Quoi qu'il en soit, je le répète, le Gouvernement n'est pas resté inactif, notamment en ce qui concerne les industries électrointensives. Nous avons ainsi mis en place un dispositif de consortium, qui a permis à ces industriels d'obtenir des prix avantageux. Pas moins de 20 % du marché de l'électricité bénéficie de ces tarifs avantageux sur du très long terme, c'est-à-dire sur dix ans à vingt ans. S'agissant des PME et des PMI, des engagements ont été obtenus de la part des fournisseurs. Certes, je le sais, il faut encore aller plus loin, et je suis donc prêt à travailler en vue d'atteindre l'objectif que vous avez rappelé.
S'agissant du projet de fusion, vous avez apporté votre soutien total au projet industriel, et vous avez notamment rappelé l'intérêt de ce dernier pour la sécurité d'approvisionnement de la France en énergie et la sécurisation de la branche environnement de Suez ; je vous en remercie. Je rappelle qu'un rapprochement avec un opérateur énergéticien de taille comparable est l'option stratégique qui est sans doute la plus efficace pour Gaz de France, car elle lui permettra de compenser, comme vous l'avez excellemment rappelé, ses faiblesses structurelles.
En outre, vous avez parfaitement raison de souligner que Gaz de France dépend, d'une part, des cours mondiaux pour ses achats, puisqu'elle n'est que très faiblement producteur de gaz naturel et, d'autre part, du principe législatif de répercussion du prix d'achat sur ses tarifs de vente. À ce titre, la fusion permettra au nouveau groupe d'économiser près de 250 millions d'euros par an sur ses coûts d'approvisionnement, au bénéfice des consommateurs.
Suez est le partenaire idéal, qui permettra de répondre aux besoins de Gaz de France. C'est le fruit de l'analyse qui a été réalisée par les deux entreprises, et que nous avons validée après quatre mois de travail acharné. L'opération positionne le nouveau groupe comme un champion national et l'un des leaders mondiaux de l'énergie et de l'environnement, avec un chiffre d'affaires - nous ne l'avons pas encore dit - de l'ordre de 64 milliards d'euros.
Ce sont des milliards et des milliards d'euros qui devront être mobilisés dans les années à venir dans le secteur de l'énergie, tant pour sécuriser l'approvisionnement que pour assurer la production, voire la distribution ; je parle en particulier de la constitution de gazoducs susceptibles de véhiculer le gaz naturel liquéfié, qui constituera à l'avenir un enjeu majeur. Mais encore faut-il avoir un bilan permettant de procéder à ces financements ! La situation bilantielle est donc aujourd'hui importante pour pouvoir répondre à ces enjeux.
Monsieur le sénateur, le rapprochement de Gaz de France et de Suez répond à l'ensemble de cette problématique. Je partage votre analyse lorsque vous affirmez qu'il est effectivement de notre devoir d'agir aujourd'hui pour ne pas se trouver à moyen terme dans une impasse stratégique.
Vous avez enfin indiqué que ce projet n'est pas une affaire de patriotisme économique ; je vous rejoins également sur ce point. Le projet de fusion entre Suez et Gaz de France ne se fait ni contre un État ni contre une entreprise. Je l'ai souvent dit, et je tiens à le répéter encore devant la représentation nationale : il ne s'agit nullement de protectionnisme économique, puisque le rapprochement concerne une entreprise française et une entreprise européenne, à savoir le groupe Suez.
Au contraire, ce projet fait suite à une demande pressante des deux entreprises, qui a été exprimée depuis plusieurs mois. Vous êtes très nombreux à suivre ce dossier depuis un certain temps, et vous savez donc que les deux entreprises réfléchissent depuis longtemps à un rapprochement, lequel était devenu une évidence alors même que M. Jospin était Premier ministre. Compte tenu de l'évolution de l'environnement et du prix des matières premières, ces entreprises ont estimé qu'il devenait important de se saisir de cette question pour aller de l'avant.
Enfin, monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les pouvoirs de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE. Cette commission, qui a été créée en 2000 dans le secteur de l'électricité et dont les compétences ont été étendues au secteur du gaz en 2003, est une autorité de régulation indépendante et spécialisée, dotée de larges compétences et des moyens nécessaires pour exercer ses missions.
Depuis 2005, la CRE est également chargée de surveiller les transactions effectuées sur les marchés organisés de l'électricité - ce sera une mission très importante -, ainsi que les échanges aux frontières. Une extension des compétences de contrôle à tous les marchés, notamment les marchés de gré à gré, et non plus aux seuls marchés organisés, pourra effectivement être examinée.
M. de Montesquiou a eu raison de souligner la dimension européenne des questions énergétiques. J'ai récemment présenté un mémorandum pour une politique européenne de l'énergie, axée sur la sécurité d'approvisionnement, qui tend notamment à proposer aux différents États de mettre en place une programmation à moyen terme des investissements nécessaires dans le secteur énergétique.
En outre, vous avez insisté sur la nécessité de maîtriser la consommation d'énergie ; c'est un point très important. Afin de réduire l'intensité énergétique de 2 % par an d'ici à 2015, nous avons, je le rappelle, augmenté les crédits d'impôt en faveur des équipements économes en énergie et préparé un marché de certificats d'économie d'énergie qui sera opérationnel au 1er juillet prochain.
Par ailleurs, nous avons demandé à l'ADEME d'intensifier ses campagnes de communication afin de sensibiliser nos concitoyens. En outre, nous avons généralisé l'étiquetage des produits portant sur leur consommation en énergie, notamment les véhicules. J'ajoute que le Parlement a voté en 2005 une disposition dans le cadre de la loi d'orientation sur l'énergie qui prévoit d'imposer des mesures de publicité pour les distributeurs d'énergie. Du reste, un décret en ce sens est en passe d'être publié.
Enfin, le Gouvernement, et plus précisément mon ministère, vient d'engager un plan biocarburants très ambitieux, qui concerne évidemment le diester ainsi que le bioéthanol. Notre objectif est d'incorporer en 2010 7 % de biocarburants en valeur énergétique, et 10 % en 2015, soit bien au-delà de nos obligations communautaires.
À cette fin, deux appels d'offres ont été lancés : ce sont ainsi pas moins de seize usines de production de biocarburants qui seront construites, représentant un investissement de deux milliards d'euros.
Outre ces mesures, j'ai mis en place ce fameux groupe de travail sur le flex fuel, lequel permet à un moteur de fonctionner indifféremment soit avec de l'essence, soit avec du bioéthanol. Notre ambition est qu'à l'horizon 2010 l'ensemble des consommateurs et des automobilistes français puissent trouver dans les stations-service des pompes de bioéthanol.
M. le sénateur Coquelle a fait part de la position, sans surprise, du groupe communiste républicain et citoyen sur les questions énergétiques. Comme souvent sur des questions qui engagent l'avenir de notre pays, je peux vous rejoindre sur certains constats, monsieur le sénateur : la hausse de la demande mondiale en énergie ; l'enjeu essentiel que représente l'énergie pour les pays en développement.
Mais comme très souvent aussi, nous divergeons profondément sur l'analyse des orientations nécessaires pour donner à notre pays et à ses opérateurs énergétiques toutes leurs chances dans l'avenir.
Je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement considère le Parlement avec mépris. Le temps est à la concertation. Les uns et les autres, nous passons beaucoup de temps à discuter de ces sujets essentiels, et je m'en réjouis. Après la consultation des organisations syndicales est venu le temps de la discussion au Parlement. L'esprit qui m'anime aujourd'hui devant vous n'est certainement pas un esprit de mépris ; c'est un esprit d'ouverture, de réflexion, de responsabilité, et j'espère que vous le percevez.
Vous avez insisté sur l'importance du maintien des tarifs réglementés. La directive prévoyant l'ouverture des marchés s'appliquera directement à compter du 1er juillet 2007. Il est nécessaire de prévoir des dispositions qui permettront de laisser le choix à nos concitoyens entre le maintien de leur contrat au tarif réglementé et la libre concurrence. Si nous ne le faisons pas, la directive s'appliquera d'office. Nous voulons précisément que le projet de loi sur lequel nous travaillons et que nous vous proposerons offre cette possibilité aux consommateurs.
S'agissant du projet de fusion proprement dit, vous m'interrogez sur le lien entre l'ouverture des marchés et la hausse des prix de l'électricité, sur la place des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique national et sur les missions de service public du nouveau groupe.
J'ai clairement rappelé, comme l'a indiqué M. Poniatowski, qu'il n'existe pas de lien entre l'ouverture des marchés et la hausse des prix de l'électricité. Je ne veux plus revenir sur ce point. C'est une réalité.
Concernant la question du nucléaire, le Gouvernement a rappelé son attachement à l'organisation actuelle de la part de production française. C'est tellement vrai que la France est le seul grand pays européen à avoir décidé des investissements nouveaux. D'autres la rejoignent. Le Gouvernement poursuit avec vigueur cette politique.
Faites preuve néanmoins d'une certaine mesure : comment pouvez-vous insinuer que la dizaine de centrales exploitées aujourd'hui par Suez en Belgique sont moins sûres que les nôtres ? Je n'ai pas peur de vous dire que cette affirmation m'a choqué.
Je note enfin que vous défendez la fusion entre Gaz de France et EDF. Vous savez qu'elle est impossible. Il est temps de regarder devant soi et d'arrêter de garder complaisamment l'oeil sur le rétroviseur.
L'intervention de M. Jean Arthuis, quant à elle, a été bien plus constructive.