Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 15 juin 2006 à 15h00
Immigration et intégration — Article 30

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Quoi qu'il en soit, nous sommes en droit de ne pas faire comme ce pays et de considérer que priver pendant sept ans de sa famille quelqu'un qui se lève chaque jour pour contribuer au bien commun par son travail est une mesure barbare.

En tant que citoyen français, je me réclame de la vieille tradition républicaine - d'ailleurs ce principe avait déjà cours sous la royauté : qui touchait le sol de France était libre, et il y en avait pas mal qui « cavalaient » pour le toucher et être libre, croyez-le !

En fait, il faut s'interroger sur les conséquences concrètes de ce type de dispositions. Que voulons-nous obtenir ? Nous essaierons ensuite de savoir si, lorsque nous avons pris des mesures comparables, les résultats étaient au rendez-vous.

Que voulons-nous obtenir ? Qu'il y ait moins de regroupements familiaux ? Alors il faut le dire.

Il n'y aura pas en l'occurrence d'effet d'appel d'air, comme vous le prétendez habituellement lorsque l'on prend une mesure qui paraît trop humaine, puisqu'il s'agit de l'immigré qui est en situation régulière. Il a survécu à tous les mauvais traitements prévus par les autres articles de la loi, il y a souscrit, il a même fait plus que cela, il a prouvé qu'il respectait les habitudes et les traditions républicaines, et il demande à pouvoir vivre en famille, ce qui est un droit reconnu par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par les conventions que la France a ratifiées.

Pourquoi donc prévoir un dispositif qui l'empêche d'y parvenir ou qui rende plus difficiles les moyens d'y parvenir.

En 2004, 25 420 personnes ont fait l'objet d'un regroupement familial, 12 000 adultes, 13 000 enfants. Dites-moi lequel de ces 13 000 enfants est de trop en France. Lequel ne sera pas un bon Français, un bon francophile, quelqu'un qui aimera sa patrie d'adoption comme 99 % de ceux qui ont bénéficié de la possibilité d'entrer sur notre territoire. Notre pays compte-t-il trop d'enfants ?

Mes chers collègues, ressaisissez-vous ! Nous ne traitons pas de quantités abstraites, mais d'êtres humains. Laissons de côté le Danemark ! Nous parlons de la France, qui, depuis toujours, a brassé les populations.

En outre, où comptez-vous appliquer cette disposition ? À Mayotte, où les habitants des différentes îles sont tous parents ?

L'autre jour, notre collègue de Mayotte a déclaré que son île ne pouvait pas accueillir tout le monde. Je lui en donne acte, il y a un problème de superficie. Mais nos concitoyens mahorais nous disent qu'ils sont tous parents. Les lignages matrilinéaires font que, même si vous êtes à Mayotte, vous êtes reconnu comme citoyen de tel ou tel village situé sur le territoire de la Grande Comore, où vous avez votre banc à l'église.

Et vous allez dire à ceux qui s'installent à Mayotte : maintenant on rallonge le délai pendant lequel vos familles n'ont pas le droit de venir vivre avec vous ? C'est une plaisanterie ! Ils essaieront, bien sûr, par tous les moyens de contourner cette mesure, car elle est absurde.

J'ai pris l'exemple de Mayotte, je pourrais poser la même question à nos collègues de la Guyane : croyez-vous que ce type de mesures soit de nature à empêcher les gens de franchir le fleuve ? Une fois qu'un individu sera passé et qu'il aura reçu ses papiers - car nous parlons de personnes en situation régulière - croyez-vous qu'il acceptera de se soumettre à de telles dispositions ? Nous n'avons aucune chance de parvenir à les faire appliquer.

Au demeurant, de telles mesures ont déjà été prises. En 2003, M. Pasqua a fait passer le délai d'un an à deux ans. Que s'est-il passé à ce moment-là ? Ensuite, M. Chevènement a ramené le délai de deux ans à un an. Quel bilan peut-on en tirer ?

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