Je voudrais tout d'abord indiquer à M. le ministre que, malheureusement, je n'ai pas bien compris la réponse qu'il m'a faite voilà un instant, selon laquelle la disposition de l'article 30 visant à porter à dix-huit mois le délai de présence sur le sol français au terme duquel un étranger peut demander à bénéficier du regroupement familial aurait pour objet d'améliorer les conditions d'accueil des familles étrangères. Je n'ai aucune raison de douter de la sincérité de vos intentions et je ne crois pas un instant que vous vouliez que la France accueille mal les familles étrangères, mais quelle est l'amélioration permise par une telle mesure ?
Si je pose cette question, c'est naturellement sans aucune innocence : cette disposition me semble être, comme bien d'autres de ce texte, de nature idéologique, à visée d'affichage et dépourvue de toute portée concrète.
De même, l'article 31 comporte plusieurs mesures dont je me demande comment elles pourraient être appliquées autrement que de façon arbitraire.
Ainsi, il est prévu que le demandeur du regroupement familial devra justifier d'un certain niveau de ressources. Cela pourrait sembler, a priori, assez naturel. Cependant, essayons de partir de la conception de Mme Borvo Cohen-Seat, que je partage totalement, selon laquelle les autres sont nos semblables.
À ce propos, je signale à ceux d'entre vous, mes chers collègues, qui s'intéressent à l'histoire des idées populaires, que les paysans de Champigney ont élaboré le premier texte public de France contenant cette notion. Ces braves gens y affirmaient que les Noirs étaient leurs semblables, bien qu'ils n'en aient jamais vu, et qu'ils n'acceptaient pas qu'ils soient maltraités. Pour la première fois, l'autre était désigné comme « notre semblable », et non pas comme « autrui » ou « notre prochain ».
Quoi qu'il en soit, partons de cette idée que les étrangers sont nos semblables. Si l'on décidait qu'il est nécessaire de gagner au moins deux fois le SMIC, hors allocations familiales et minima sociaux, pour avoir le droit de vivre avec sa famille, combien de personnes, dans notre pays, ne rempliraient pas cette condition ? Eu égard au niveau du salaire médian, le chiffre risquerait d'être considérable !