Comme beaucoup d'amendements que j'ai déjà déposés sur ce projet, il s'agit d'un amendement personnel. Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, la négociation qui a précédé l'examen de ce texte en séance ne me convient pas particulièrement.
L'article 16 du projet de loi concerne la transposition de la directive du 29 avril 2004, selon laquelle les ressortissants européens ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour. C'est - enfin ! - une mesure de bon sens, résultant d'un principe qui correspond à l'esprit de la construction européenne. Cette disposition satisfait à des engagements en même temps qu'à des critères de vie démocratique et de respect des personnes qui sont essentiels pour le développement de l'idée européenne, laquelle a été bien entamée par le résultat du référendum du 29 mai 2005.
La directive confirme ainsi la faculté de circuler librement accordée à tout ressortissant de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord de Schengen et de la Confédération suisse. Cependant, l'article 8 de cette même directive ajoute, reprenant d'une main ce qu'elle a donné de l'autre, que les États membres, s'ils le souhaitent, peuvent imposer aux citoyens de l'Union l'obligation de se faire enregistrer.
J'ai déjà évoqué l'esprit qui, selon moi, imprègne ce projet de loi. Trop souvent, me semble-t-il, au cours des travaux du Sénat et de l'Assemblée nationale, nous adoptons des textes émanant de bureaux. Je ne suis pas en train de faire une critique des bureaux ou des chefs de bureau, mais ces textes témoignent d'une vision partielle. Or le politique est là pour donner une envergure un peu plus large, pour donner une vision. Malheureusement, il est clair que les bureaux se sont engouffrés dans le travail de rédaction de l'article 8.
Dans une phase antérieure de ce débat, j'ai fait allusion au roman d'Aldous Huxley Le Meilleur des mondes. À l'occasion de cette discussion, j'ai également parcouru 1984 de Georges Orwell, ainsi que Le Procès de Kafka. Je vous assure que ces oeuvres constituent une sorte d'évaluation de l'ensemble de nos textes législatifs ! En vérité, la pesanteur administrative que nous introduisons à travers beaucoup des textes que nous votons s'apparente à bien des égards à l'univers décrits par ces écrivains. Je crains que l'on ne s'en rende pas suffisamment compte.
Il faut que nous arrivions à donner une plus grande impulsion, une vision politique et une certaine grandeur aux textes que nous adoptons.
Le projet de loi que vous nous proposez, monsieur le ministre, comporte toute une série de mesures contraignantes, qui sont contraires à l'esprit même de la directive. Certes, vous nous expliquez, de façon technique, que ces dispositions correspondent à tel ou tel texte, mais ce n'est pas vrai.
À mon avis, le problème, c'est qu'une crainte de l'Europe est perceptible dans notre pays. Je regrette que le Gouvernement, au sein duquel se trouvent de vrais Européens, se comporte ainsi.
Monsieur le ministre, Gilles de Robien, qui est membre du gouvernement auquel vous appartenez, a rappelé, le 19 mai dernier, à Bruxelles, au Conseil des ministres européens, la position du gouvernement français quant à la définition des objectifs des programmes communautaires de mobilité. Ces programmes jouent un rôle considérable dans la construction d'une culture européenne commune et doivent bénéficier à davantage d'étudiants, de lycéens et d'apprentis.
Les ministres de l'Union européenne, sur l'initiative de Gilles de Robien, souhaitent également garantir la qualité des mobilités étudiantes européennes. Une charte européenne de qualité pour la mobilité recommandera de bonnes pratiques favorisant la qualité des mobilités étudiantes. N'oublions pas, en effet, que les étudiants sont aussi, généralement, déjà des citoyens européens et que certains d'entre eux seront appelés à exercer de hautes responsabilités.
Hélas ! ce projet de loi est en complète contradiction avec ces orientations.
C'est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, une nouvelle rédaction de l'article 16, que je désire lire, parce qu'elle justifie les amendements que j'ai déposés sur les articles suivants : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public et s'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ainsi que d'une assurance maladie, tout ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace Économique Européen ou de la Confédération Suisse a le droit de séjourner en France. »