Je vais vous imiter, monsieur le ministre : mon intervention concernera les articles 17 à 22 du projet de loi, qui constituent le chapitre V et forment un bloc.
Le chapitre V vise à transposer la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée. Cette directive devait matérialiser dans tous les États de l'Union européenne l'objectif, qui avait été fixé lors du Conseil européen de Tampere en 1999, qui consistait à octroyer aux ressortissants de pays tiers résidant depuis longtemps dans l'Union européenne des droits aussi proches que possible de ceux des ressortissants des États membres.
Or la lecture de votre projet de loi me laisse croire que cet objectif restera un voeu pieu. En effet, votre texte prévoit, pour les résidents de longue durée, un statut bien plus restrictif que celui des ressortissants des États membres.
Ces ressortissants sont, comme ceux des États membres, soumis à des conditions de ressources strictes. Cependant, l'Assemblée nationale a notamment introduit une condition de logement. De plus, ces étrangers seront catégorisés suivant les différents titres de séjour temporaires existants.
De fait, il n'existe pas de réelle différence de traitement entre un résident de longue durée dans l'Union européenne et un étranger demandant un titre de séjour en France. Cette situation montre bien que le Gouvernement a souhaité transposer a minima la directive de 2003, afin de ne pas créer un statut plus protecteur pour ces résidents.
Les conjoints et parents de résidents de longue durée de la Communauté européenne pourront se voir délivrer, sous des conditions restrictives, une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ». Toutefois, votre texte prévoit dans ce cas, monsieur le ministre, une disposition inacceptable. En effet, les titulaires de cette carte de séjour ne pourront pas travailler pendant la première année de leur séjour en France. Là encore, vous créez la précarité pour les étrangers.
Encore une fois, la transposition de cette directive par le Gouvernement me semble extrêmement restrictive, mais votre texte révèle également l'esprit qui prévaut aujourd'hui au sein de l'Union européenne en matière d'immigration.
L'objectif fixé à Tampere, qui était de rapprocher les droits des résidents des pays tiers de ceux des ressortissants des États membres, était généreux. Toutefois, il ne s'agissait là finalement que d'un effet d'affichage.
De même, le statut de résident de longue durée dans l'Union européenne que vous proposez aujourd'hui relève plus de la communication que d'une volonté politique réelle. Cette directive et sa transposition marquent bien la tendance actuelle de l'Europe à se replier sur elle-même, à criminaliser et à précariser l'immigration. Cette évolution ne me paraît pas souhaitable. Nous ne pouvons continuer à considérer que l'Europe doit être une forteresse, à l'abri des pauvres qui l'entourent. Nous ne pouvons non plus continuer à sous-traiter la répression de l'immigration clandestine à des pays méditerranéens qui, souvent, ne sont pas démocratiques et sont déjà en proie à de graves difficultés.
Comme vous l'avez évoqué vous-même, monsieur le ministre, nous avons vu les résultats de la politique européenne en matière d'immigration lors des événements tragiques qui sont survenus à Ceuta et Melilla, enclaves espagnoles au Maroc. Nous voyons tous les jours ses effets lorsque des embarcations de fortune font naufrage au large de Gibraltar ou des Canaries, ce qui se traduit chaque année par des centaines de morts.
Cette politique de repli et de mépris de la misère ne pourra pas durer éternellement. En tout cas, ce n'est pas cette Europe que nous voulons construire. Par contre, c'est celle que vous et votre majorité nous proposez.