Il était d’autant plus important de faire preuve d’humanisme que la prison souffre justement d’un manque d’humanité. À l’issue de l’examen de ce texte, d’aucuns diront que l’on y a mis une certaine dose d’humanité : un peu, beaucoup, ou pas assez, les avis divergent ; pour ma part, je penche pour « un peu ».
Pour autant, vous connaissez nos positions, nous ne les cachons pas. En fait, nous étions saisis de deux textes : d’un côté, le texte initial du Gouvernement, de l’autre, le texte revu par la commission des lois et soumis à la commission des affaires sociales, avec, parfois, des inspirations différentes.
Sur plusieurs points, c’est l’inspiration initiale qui est restée le socle du texte. Je le redis, même si cela peut paraître aux yeux de certains polémique ou, ce qui serait plus triste, anecdotique, voire hors sujet, nous ne pouvons pas délier la politique pénitentiaire de la politique pénale.
Au cours de ces quatre jours de discussion, nous aurons concentré tous nos efforts pour tenter, finalement, sur de nombreuses dispositions, d’ouvrir les portes que le Gouvernement s’était évertué à fermer, mû par la volonté de faire entrer le maximum de détenus dans les cellules des prisons. Il y a là une véritable contradiction, que nous avons soulevée à maintes reprises : rien ne sert de remplir à ras bord les prisons si, ensuite, on s’efforce de les vider, en empruntant, de surcroît, des voies plus secrètes, notamment aux yeux de l’opinion publique.
Nous avons eu essentiellement trois vrais points de désaccord entre nous.
Il s’agit, tout d’abord, de la question des fouilles corporelles, qui, loin d’être accessoire, est véritablement symbolique.
Nous ne sommes en effet pas parvenus à faire adopter un bon dispositif à ce sujet, qui restera comme l’un des points noirs du texte et, partant, de la condition pénitentiaire. Certes, je le reconnais, des améliorations ont été apportées, mais, le plus souvent, elles en sont restées au stade des promesses, par exemple en ce qui concerne la mise à disposition de moyens de détection électronique. Au final, nous avons entendu beaucoup de bonnes intentions, mais peu d’engagements. Les fouilles sont véritablement une atteinte à la dignité humaine. Nous ne pouvons donc qu’être déçus par les dispositions adoptées en la matière.
Il s’agit, ensuite, de la cellule disciplinaire.
En l’occurrence, plutôt que de renvoyer dos à dos les présumés laxistes et les supposés répressifs, nous aurions pu, tous ensemble, partager ce même objectif de la réinsertion du détenu et de sa préparation à la liberté. Il faut effectivement faire en sorte que celui-ci, en sortant, n’ait pas plus de haine qu’à son entrée en prison.
Il s’agit, enfin, des régimes différenciés de détention.
Des avancées ont tout de même été obtenues. Monsieur le rapporteur, l’amendement que vous avez fait adopter aura, je le redis une nouvelle fois, une portée considérable.
J’ai bien perçu la teneur des débats. À cet égard, je voudrais inviter non seulement Mme le garde des sceaux, mais aussi l’administration pénitentiaire dans son ensemble à toujours se dire que, dans les prisons, la réalité n’est pas toujours celle qu’ils présentent. Souvent, malheureusement, elle est bien différente. Je ne vous fais pas un procès d’intention, je fais simplement un constat.
Une autre question doit être évoquée : pourquoi ne pas procéder à une deuxième lecture ? Si vous aviez renoncé à votre procédure d’urgence, le travail que nous avons accompli pendant ces quelques jours et qui va se poursuivre à l’Assemblée nationale aurait pu porter davantage de fruits. Peut-être nos points de vue auraient-ils pu se rapprocher. Vous nous privez d’un vrai consensus sur cette loi pénitentiaire. Nous le regrettons et pour cette raison, nous ne pouvons que nous abstenir.