Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 6 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Vote sur l'ensemble

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Nous avons en effet travaillé jour et nuit pendant une semaine, mais nous aurions pu faire encore plus.

Je souhaite d’emblée vous faire part de mon regret que ce texte ait été déclaré en urgence, à un moment inopportun, d’ailleurs, puisque cela est intervenu bien après qu’il a été déposé sur le bureau de notre assemblée. Nous nous demandons quelle raison a motivé le recours à cette procédure. Nous qui avons travaillé en première lecture sur le texte, vous nous privez ainsi d’une deuxième lecture qui nous aurait permis d’évaluer sereinement l’évolution du texte après son passage à l’Assemblée nationale. Cela est tout à fait regrettable.

Je voudrais évoquer deux problèmes majeurs. D’abord, contrairement à ce que vous affirmez, madame le garde des sceaux, ce texte n’a pas la densité d’un texte fondamentale. En effet, ni les principes qui devraient guider une loi pénitentiaire, ni les droits fondamentaux qui doivent être reconnus à des sujets de droit, ne sont ici énoncés.

Vous avez donné l’impression, madame le garde des sceaux, de vous résigner à vous mettre en conformité avec les règles européennes parce que la France, qui ne se conformait pas à ces règles, avait été montrée du doigt à plusieurs reprises. Mais, ce faisant, vous avez également semblé très réticente, puisque vous nous avez souvent taxés, au cours de vos interventions, de naïveté et de laxisme.

Vous nous avez dit que les délinquants étaient des délinquants, que les coupables étaient des coupables, et que l’opinion publique voulait que les coupables soient punis. Tout cela est sans doute vrai, mais ces réflexions ne nous éclairent guère en matière de loi pénitentiaire.

En conséquence, les principes qui sont inscrits dans le projet de loi et dont nous pouvons nous réjouir sont immédiatement assortis de renvois au règlement, aux décrets, et donc à l’administration pénitentiaire, ou de restrictions. Cela fut le cas pour les dispositions relatives aux régimes différenciés de détention, aux fouilles et aux quartiers disciplinaires, ce dernier sujet n’étant pas la meilleure façon d’achever l’examen de ce texte.

On peut certes se réjouir de voir enfin votée une loi pénitentiaire. Mais ce texte répond-il pleinement aux attentes de tous ceux qui sont attachés aux droits des personnes détenues et au respect des personnels ? Je ne le crois pas !

Il est vrai que notre rapporteur a accompli un travail considérable en modifiant le texte initial et en défendant ces modifications, et qu’il nous a permis de travailler dans de bonnes conditions.

Je ne peux qu’exprimer ma satisfaction devant l’adoption en commission, sous la houlette de M. le rapporteur, selon la nouvelle procédure parlementaire, de certains amendements déposés par mon groupe. Ce fut notamment le cas de nos amendements relatifs au respect de l’intégrité physique des détenus, à l’individualisation des peines, à l’autorisation du parloir pour tous les détenus, y compris ceux qui sont placés en quartier disciplinaire, ainsi qu’à la continuité des soins et à l’état psychologique.

Nous regrettons en revanche que d’autres amendements, déposés et défendus en séance par notre groupe ou par d’autres collègues, et qui nous paraissaient conformes à l’idée que nous nous faisons des droits des détenus, n’aient pas été retenus, en raison des limites que vous avez posées à la reconnaissance de ces droits. Je pense aux amendements relatifs à l’encellulement individuel, dont le principe est certes maintenu, mais connaît des dérogations. Le moratoire est, en effet, toujours en vigueur ; or, de moratoire en moratoire, on n’avance pas !

Nous ne pouvons que saluer les avancées obtenues en matière d’aménagement de peine, car nous y tenons beaucoup. Malheureusement, vous avez refusé de considérer que le principe de l’aménagement des peines était acquis. L’absence de moyens ne manquera pas de se faire sentir en la matière.

Bien entendu, je regrette que l’idée même d’une programmation des moyens nécessaires en vue d’une réelle amélioration des prisons n’ait été ni inscrite ni même évoquée dans la loi.

La notion de moyens est vaste. Il ne suffit pas de dire que l’on va construire des cellules supplémentaires ! Il faut aussi des moyens pour les juges, pour les SPIP, pour la réinsertion, etc.

J’ai eu l’occasion de dire tout le bien que je pensais des personnels qui militent pour une amélioration de la condition pénitentiaire. Les personnels travaillent durement, c’est évident, et méritent d’être mieux considérés, mieux rémunérés et de travailler dans des conditions acceptables : voilà qui serait vraiment les respecter, plutôt que de les évoquer sans cesse afin de justifier le recul des droits des détenus !

Comment, enfin, ne pas voir une contradiction profonde entre la volonté affichée – il ne s’agirait donc que d’affichage ? – et le durcissement de la loi pénale. Ce durcissement n’a certes pas commencé avec votre entrée en fonctions, madame le garde des sceaux, mais vous l’avez considérablement aggravé en défendant des dispositions qui ont toutes été votées par la majorité, mes chers collègues. Cette contradiction, qui est assumée par la majorité parlementaire, hypothèque la sincérité de ce texte, car le durcissement de la loi pénale aggrave les conditions pénitentiaires.

Des pas en avant ont cependant été faits, et tout pas en avant nous agrée ; mon groupe s’abstiendra donc. Mais nous nous réservons le droit de voter contre ce texte en fonction de ce qu’il en adviendra lors de son examen à l’Assemblée nationale, et notamment si les avancées obtenues n’y figurent plus au moment du vote final.

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