Intervention de David Assouline

Réunion du 13 janvier 2009 à 16h00
Communication audiovisuelle — Article 8

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Les deux articles éminemment symboliques que nous nous apprêtons à examiner constituent le cœur de notre débat.

L’été dernier, la réforme de la Constitution nous a été présentée comme tendant à renforcer les droits du Parlement. L’opposition n’a eu de cesse de dénoncer ce faux nez. Nous savions que le seul objectif de Nicolas Sarkozy, c’était de pouvoir s’exprimer devant le Congrès et d’asseoir un peu plus la présidentialisation du régime.

Nous sommes exactement dans le même cas de figure aujourd’hui. Voilà un an, Nicolas Sarkozy annonçait la suppression de la publicité. Tout le monde a cru qu’il était sincèrement convaincu des méfaits de la « pub » sur la qualité des programmes, de la création artistique et du service public. Il avait pourtant toujours affirmé l’inverse dans sa campagne électorale : lorsqu’on l’interrogeait sur la manière de réduire le déficit chronique du service public, il répondait qu’il fallait augmenter la part de la publicité.

Finalement, revenant sur sa position initiale, il nous annonce, voilà un an, sa décision de supprimer la publicité. Dans le même temps, la gauche est accusée de s’opposer à une mesure qu’elle a de tout temps portée, elle qui a toujours affirmé que la publicité ne devait pas être l’alpha et l’oméga du secteur public.

En réalité, la commission Copé, qui avait travaillé sur les contenus des programmes, les missions de l’audiovisuel public, le média global, n’avait pas été consultée sur la nomination et la révocation par le Président de la République des présidents de France Télévisions, de Radio France et d’Audiovisuel extérieur de la France. Cette question a simplement été ajoutée à la dernière minute. Nous sommes là au cœur du débat.

Nous nous interrogeons aussi sur la méthode qui a été utilisée. Comment a-t-on pu demander au conseil d’administration de France Télévisions d’appliquer par anticipation une disposition législative sur laquelle le Sénat ne s’est pas encore prononcé ? Le symbole est important.

De toute façon, la nomination des présidents de l’audiovisuel public par le Président de la République n’est pas conforme à l’article 34 de la Constitution, qui dispose que la loi fixe les règles concernant notamment « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ». Je rappelle que cette disposition a été introduite par le Sénat sur l’initiative du groupe socialiste.

À la place, on ne nous propose rien d’autre qu’un retour en arrière. On ne peut même pas dire qu’il s’agit d’en revenir au temps de l’ORTF dans la mesure où, à l’époque, il s’agissait d’avancer ! Aujourd’hui, à rebours de toutes les autres démocraties européennes, qui ont adopté un autre modèle, la France, qui a toujours été en avance sur la question des libertés et de la démocratie, tourne volontairement le dos à ses principes.

Ce recul s’inscrit parfaitement dans la ligne politique générale défendue par le Gouvernement et sa majorité, voulue par leur chef unique, ligne consistant à porter des coups de boutoir réguliers et constants à nos libertés civiles et politiques arrachées à l’Ancien Régime, dont le champ s’était constamment étendu aux xixe et xxe siècles.

Combien de temps la France restera-t-elle encore, aux yeux du monde, la nation des droits de l’homme, si, ne se satisfaisant pas de restreindre les libertés individuelles, le Gouvernement interdit peu à peu aux journalistes d’éclairer librement l’opinion ?

Je lance de nouveau un appel solennel. Cette question peut diviser les démocrates et ceux qui le sont moins, diviser les républicains et ceux qui le sont moins, mais elle ne devrait pas nécessairement diviser la gauche et la droite. Nous ne parlons pas ici de politique économique ou de politique sociale, qui ont toujours suscité des clivages entre la gauche et la droite, nous parlons de la liberté et de la République.

À ce moment du débat, paradoxalement, aucune voix ne s’est encore élevée, ici même, pour dénoncer la nomination des présidents de l’audiovisuel public par le Président de la République, alors même que cette mesure a été difficilement acceptée par bien des consciences républicaines, au-delà des seuls membres de l’opposition. Si j’en crois la presse, nous allions voir ce que nous allions voir ! Le groupe centriste du Sénat, qui peut faire pencher la majorité d’un côté ou de l’autre, allait s’élever contre l’inadmissible ! Or nous n’avons pas entendu une seule voix centriste sur cette question !

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