Discuter de l’article 8, c’est discuter de l’inscription dans la loi d’un petit putsch, parmi les divers petits putschs qui forment ce grand coup de force que constitue cette réforme forcée et menée tambour battant de l’audiovisuel public.
Cet article devrait soulever l’indignation de chaque membre de cette assemblée, quel que soit son engagement politique. Rien ne le justifie, sauf la logique d’étatisme affairiste du Président. Il constitue une véritable insulte au peuple français, dont nous sommes les représentants démocratiquement élus.
Cet article 8 place l’audiovisuel public dans la dépendance politique vis-à-vis du pouvoir exécutif, quand le reste du texte organise sa dépendance économique et éditoriale.
S’il est définitivement voté, les présidents de France Télévisions, de Radio France et d’Audiovisuel extérieur de la France seront redevables au Président de la République de leur nomination, comme la noblesse fut, en d’autres temps, redevable au monarque des honneurs et charges que celui-ci lui distribuait.
D’aucuns parlent, en la matière, de dérives bonapartistes ; nous préférons parler de transformation de la démocratie en « démocrature », en arbitraire tapi derrière la démocratie, n’attendant que de sortir de son fourré.
De ce point de vue, l’encadrement proposé pour cette nomination du prince relève du vulgaire camouflet. On nous dit que le CSA formulera un avis : les positions du Gouvernement sur le rôle et le fonctionnement de cette instance sont révélatrices de la nature de son argumentation politique, qui affectionne la duplicité, la manipulation et le sophisme. C’est en raison du dysfonctionnement du CSA que nous est proposée cette disposition, et ce serait ce CSA non réformé, dont on reconnaît la nature de courroie de transmission du pouvoir, qui nous protégerait !
Selon le bon vouloir de certains, tantôt le CSA ne sert à rien, tantôt il redevient une barrière démocratique.
Par ailleurs, on nous propose l’encadrement par les commissions parlementaires. Mais rappelons-nous qu’il faudra une majorité des trois cinquièmes pour s’opposer à la décision du Président de la République. Or, cela a été dit à plusieurs reprises depuis le début de ce débat, dans toute l’histoire de la ve République, jamais on n’a pu réunir une telle majorité. Jamais ! On comprend donc bien que cette disposition est un faux-semblant.
Cet article est un gigantesque pas en arrière, l’un des plus graves que l’on ait connus en la matière dans ce pays depuis des décennies. Ce pas en arrière est foncièrement inacceptable ; nous l’avons déjà dit et nous ne cesserons de le répéter jusqu’à ce que la majorité parlementaire revienne à la raison.
Ne l’oublions pas, mes chers collègues, dans l’organisation de l’équilibre des pouvoirs, c’est au législatif qu’il revient de protéger l’espace public, notamment les organes d’information publics, des appétits excessifs de l’exécutif, en l’occurrence ceux du Président de la République.
Jouons notre rôle et mettons-nous à l’heure exacte de la conscience : supprimons cet article !