Si nous devons défendre cet amendement, c’est malheureusement parce que la disposition liberticide prévue par l’article 8 n’a pas été supprimée.
C’est un très triste jour pour notre démocratie, qui est véritablement blessée en ses piliers fondamentaux.
Rappelons qu’il n’est pas une seule démocratie où l’on puisse imaginer un instant que les patrons de l’audiovisuel public soient désignés par décret du chef de l’exécutif !
Les raisons de cette précaution démocratique fondamentale ont été développées à plusieurs reprises. Mais, puisque la majorité de cette assemblée semble ne pas les entendre, nous allons en rappeler quelques-unes et non des moindres.
L’indépendance du service public de l’audiovisuel constitue, en France, une exigence démocratique et constitutionnelle. Rappelons-le, réaffirmons-le, tirons-en les conséquences.
Souvenons-nous de la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2000, en vertu de laquelle « assurer l’indépendance des sociétés nationales de programme chargées de la conception et de la programmation d’émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision » revient à « concourir [...] à la mise en œuvre de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ».
Cette même décision affirme que « l’objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs, qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 précité, soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu’on puisse en faire les objets d’un marché ».
Dans cet esprit, le Conseil constitutionnel avait précédemment insisté sur les garanties d’indépendance que doivent offrir les procédures de nomination des présidents des sociétés nationales de programme.
Ainsi, dans une décision que nous avons déjà citée et qui remonte au 26 juillet 1989, il indique, et M. Thiollière le rappelle dans son rapport, que « s’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, c’est à la condition que l’exercice de ce pouvoir n’aboutisse pas à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ».
Or c’est exactement le contraire de l’article 8 dans sa facture actuelle. Si nous devons voter cet article, votons-le de manière digne en lui donnant un contenu démocratique et conforme aux principes constitutionnels.
L’adoption du présent amendement permettrait de réintroduire de la démocratie là où elle est mise en cause de manière virulente et quasi inédite sous la Ve République.
Pour garantir l’indépendance des responsables de l’audiovisuel public à l’égard du pouvoir exécutif, nous proposons de les délier totalement. En effet, nous considérons que la véritable hypocrisie dans le présent débat est de simplement « encadrer » la nomination par décret des présidents des sociétés nationales de programme alors qu’il fallait purement et simplement faire en sorte que l’exécutif national n’ait rien à en dire.
Le dispositif de nomination qui prévaut aujourd’hui donne au CSA cette prérogative, et nous sommes d’accord sur le principe d’une nomination par un tiers arbitre le plus neutre possible. Malheureusement, le CSA dysfonctionne, et sa réforme n’est apparemment pas pour demain.
Notre amendement tient compte de tous ces éléments. C’est pourquoi nous proposons que les présidents des sociétés nationales de programme soient nommés par leur conseil d’administration, sur proposition d’une commission parlementaire mixte, constituée de députés et de sénateurs, dite pour le pluralisme et les médias.
La constitution d’une commission spécialisée se justifie pleinement compte tenu des enjeux et du fait que le Parlement est la voix des téléspectateurs, qui sont, via la redevance, les véritables actionnaires de l’audiovisuel public. Nous avons eu l’occasion de le dire, la télévision et la radio publiques appartiennent aux citoyens et sont leur affaire. Ils doivent donc s’en mêler au premier chef, directement et par l’intermédiaire de leurs élus.
Par ailleurs, nommés par leur conseil d’administration, les présidents seraient responsables devant lui et non devant le Président de la République.
Le système proposé permet une véritable indépendance de l’audiovisuel et un pluralisme interne aux instances décisionnaires de l’audiovisuel public, deux objectifs qui doivent être nos lignes directrices et c’est pourquoi je vous demande de voter avec nous cet amendement.