Intervention de Jean-Luc Fichet

Réunion du 13 janvier 2009 à 16h00
Communication audiovisuelle — Article 8

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet :

Dans la logique de notre proposition précédente, il nous semble indispensable que les dispositions de l’article 8 soient amendées, afin que le pouvoir de nomination du Président de la République soit réellement encadré.

Je citerai l’un de nos plus illustres penseurs des Lumières, Montesquieu : « C’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. »

La protection de l’indépendance de notre radio et de notre télévision publiques, de la liberté des journalistes y travaillant et du pluralisme devant régir leurs programmes exige que nous prenions la responsabilité de mettre un frein minimal à l’exercice, par le chef de l’État, du pouvoir de nomination que lui donneraient les dispositions de l’article 8.

Ce serait là marquer notre profonde désapprobation du virage que prend aujourd’hui notre République sous la direction de celui qui s’en veut le conducteur, pour lequel tout se passe comme si la démocratie se réduisait à la légitimation par les urnes des gouvernants, selon le principe : « Puisque j’ai été élu, toutes mes décisions sont légitimes, et je ne fais que prendre mes responsabilités » ou « puisque j’ai la majorité, j’ai tous les droits ! »

Tel est le sophisme qui permet au chef de l’État de justifier ses choix les plus contestables, ceux qui restreignent les libertés civiles et politiques, comme ceux qui détricotent progressivement les mailles de notre protection sociale et de notre droit du travail.

C’est une nouvelle vision de la démocratie et de la responsabilité politique qui s’affirme de la sorte, indéniablement en rupture avec une longue tradition parlementaire et « droit-de-l’hommiste ». Mais cette vision est, elle aussi, très ancienne, car elle s’inscrit parfaitement dans la lignée d’une doctrine bonapartiste et plébiscitaire, qui sacralise l’idée d’une relation directe entre le peuple et son chef, tout en dévalorisant, d’un même mouvement, les corps intermédiaires, la société civile et l’État de droit.

Pierre Rosanvallon, dans le discours que nous citions à l’appui de l’une de nos propositions d’amendement à cet article, remarquait, après avoir dressé le même constat que celui que nous avons exposé, que « triomphe simultanément en Russie la théorie de la “démocratie souveraine” sur laquelle s’appuie le pouvoir pour justifier son droit à restreindre les droits de l’opposition ».

De la création d’un ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire aux tests ADN, de la volonté de nommer arbitrairement les dirigeants de l’audiovisuel public au désir de supprimer les juges d’instruction, en passant par le projet de restreindre le droit d’amendement des parlementaires, le Président Sarkozy s’inscrit parfaitement dans cette logique « poutinienne » du pouvoir.

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