Sur cette importante question de la nomination des dirigeants de l’audiovisuel public, il faut rappeler, comme le faisait hier Gérard Longuet, que le paysage est devenu extrêmement divers et se caractérise désormais par une très grande abondance de l’offre des images s’accompagnant d’une forte évolution des pratiques. Nous ne sommes plus, de toute évidence, au temps où les téléspectateurs acceptaient passivement tout ce qui arrivait sur les deux ou trois chaînes de l’ORTF. Aujourd’hui, l’offre considérable, augmentée souvent de celle qui est accessible par internet, permet le zapping, c’est-à-dire le passage incessant d’une chaîne à l’autre.
C’est dans ce paysage bien différent que le Gouvernement a choisi de prendre toutes ses responsabilités sur cette question sensible. Il s’agit pour l’État actionnaire, qui garantit les ressources de l’audiovisuel public, dont, par ailleurs, il fixe les missions via le cahier des charges, d’aller jusqu’au bout d’une logique en choisissant aussi les dirigeants qui seront amenés à conduire ses destinées.
Cependant, parce qu’il ne s’agit pas d’une nomination comme les autres – Michel Thiollière le soulignait avec une grande justesse –, l’État pose des garanties, met des verrous. Et ils sont de taille !
D’abord, le débat public permettra qu’une extrême attention soit portée aux personnalités pressenties, et l’on imagine déjà les commentaires, les articles, les analyses, les supputations qui entoureront les propositions qui seront formulées.
Le débat devant le CSA, qui sera amené à donner un avis conforme par un vote à bulletins secrets, puis le débat public au Parlement, devant les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, constituent autant de verrous supplémentaires. La personnalité pressentie sera amenée à présenter son projet au cours d’une audition publique, ce qui donnera tout loisir de porter un jugement sur elle.
J’ajoute que cela n’interviendra que le moment venu, le projet de loi disposant qu’il n’est pas mis fin aux mandats en cours, qui iront donc jusqu’à leur terme. Ce point me paraît important.
Enfin, une telle procédure permettra d’aller chercher des personnalités qui, dans les conditions actuelles, n’auraient pas nécessairement été candidates. Certains très bons présidents de chaîne sont d’anciens journalistes de l’audiovisuel, mais on en connaît dont l’origine est tout autre : on trouve actuellement à la tête de certaines chaînes des personnes issues du monde des services, de l’industrie chimique, etc. – les exemples ne manquent pas –, qui ont fait la preuve de leur talent.
J’ai ainsi évoqué au cours de la discussion générale, dans mon propos liminaire, une personnalité regrettée comme Jean Drucker, que la direction de France Télévisions aurait probablement intéressé. Dans les conditions actuelles, qui, justement, obligent à « brûler ses vaisseaux », je doute fort qu’il aurait pris le risque d’une candidature à l’aboutissement incertain.
La réforme proposée, je le crois, va dans le sens du paysage audiovisuel actuel, un paysage moderne, où l’on prend toutes ses responsabilités, où l’on se donne une grande liberté.
J’ajoute, pour terminer, que le Conseil d’État – qui n’est pas le juge constitutionnel, mais qui est aussi juge de la constitutionnalité – n’a pas considéré que ces dispositions étaient en quoi que ce soit contraires à nos institutions.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’adhère pleinement aux analyses et observations que vient de développer M. le rapporteur sur ces différents amendements. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements de suppression, sur les amendements qui tendent au maintien de la situation actuelle, ainsi que sur ceux qui préconisent des modalités très différentes, car le système proposé dans le projet de loi me paraît bon et équilibré.
Enfin, sur l’amendement n° 443, présenté par la commission, je m’en remets à la sagesse du Sénat.