Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 13 janvier 2009 à 16h00
Communication audiovisuelle — Article 8

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Puisque nous arrivons au terme de cet article fondamental, il n’est pas inutile de faire un peu d’histoire.

Nous n’avions guère espéré modifier le texte du Gouvernement sur la question de la nomination. En effet, le Président de la République a déclaré qu’il voulait nommer lui-même les patrons de l’audiovisuel public. Or, dans notre pays, sa volonté fait désormais loi ! Le Président de la République considère son élection comme un chèque en blanc, un permis de réformer à sa guise, de fait sans avoir à négocier ses réformes, pas même avec le Parlement.

Mais, nous, parlementaires, nous avons le droit et le devoir d’inscrire les réformes dans l’histoire de notre pays, dans l’évolution de la société, dans notre vision des libertés et des droits de nos concitoyens.

L’article 8 apporte une réponse qui nous paraît inacceptable et anachronique à une question aussi centrale que difficile pour le devenir du service public audiovisuel : la question de son indépendance et de la nomination de ses principaux dirigeants, d’où découle inéluctablement la nature des relations entre le pouvoir politique et ses entreprises.

Si nous récusons votre projet sur ce point parmi d’autres, madame la ministre, c’est parce nous n’avons pas la mémoire courte !

Pourquoi en effet l’État s’est-il dessaisi, en 1982, de ces nominations au profit d’une innovation institutionnelle, de la création d’une instance indépendante : la Haute Autorité ?

Il l’a fait pour plusieurs raisons : d’abord, la mutation du paysage audiovisuel, après l’éclatement de l’Office de radiodiffusion-télévision française, l’ORTF, en 1974, et l’émergence de groupes de médias privés de plus en plus importants en Europe ; ensuite, l’attachement croissant de nos compatriotes à la télévision qu’ils consommaient de plus en plus ; enfin, la conviction du Président de la République de l’époque, François Mitterrand, pour lequel la démocratie n’avait rien à gagner à une gestion directe de l’audiovisuel par le politique, le politique lui-même n’ayant d’ailleurs rien à gagner à exercer cette mainmise.

De là provient l’évolution, chaotique mais persévérante, au fil des vingt-cinq dernières années, vers une indépendance de la régulation de l’audiovisuel, nominations comprises, à travers la succession de la Haute Autorité, de la Commission nationale et de la communication et des libertés, le CNCL puis du CSA.

La réponse était sans doute imparfaite, mais elle semblait reconnue comme nécessaire par tous.

Qu’est-ce qui légitimerait l’actuel retournement ? L’hypocrisie prétendue du système actuel ? Nous en avons beaucoup parlé ; cette accusation n’est qu’un alibi non crédible puisque le projet de loi ne propose aucune réforme du CSA.

La nécessité de libérer les programmes de la pression du marché via la suppression de la publicité ? C’est un objectif très louable mais un argument lui aussi bien peu crédible de la part d’un gouvernement et d’un ministère de la culture qui se font partout les chantres des partenariats entre le public et le privé, qui louent sans cesse le mécénat pour le substituer à la politique culturelle publique, et qui font constamment l’éloge de l’entreprise privée.

L’évolution du monde extérieur donnerait-elle une quelconque justification à ce changement et à cette récupération des nominations au plus haut niveau de l’État par le Président de la République ? Non. En effet, aucune démocratie ne s’est engagée dans cette voie. Le poids croissant des médias dans l’information et la formation de nos concitoyens rend encore plus sensible – aujourd’hui plus qu’hier et sans doute moins que demain – la question de l’indépendance et du pluralisme.

Les futurs dirigeants de France Télévisions doivent absolument pouvoir puiser dans le processus de leur nomination la légitimité, le courage et la force de leur libre détermination !

L’actuel projet en fera des obligés et des assujettis. S’il aboutit, ce sera une erreur historique !

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