Intervention de Jack Ralite

Réunion du 13 janvier 2009 à 16h00
Communication audiovisuelle — Article 8

Photo de Jack RaliteJack Ralite :

Mais le problème est précisément de savoir comment on apprécie ce changement.

Le 25 juin 2008, le Président de la République déclarait ceci : « Mon souhait c’est que les groupes d’audiovisuels privés soient puissants. » On le verra tout à l’heure, ce projet de loi n’a d’autre objectif que de rendre ces derniers puissants sur le plan financier et d’amoindrir la puissance du service public.

Le Président de la République le martèle dans chacun de ses discours : il veut – je résume – des patrons pour l’entreprise France. C’est un changement non pas objectif, mais idéologique. Il le défend, comme c’est son droit, mais nous y sommes absolument opposés.

Selon Georges Balandier, nous sommes dans l’obligation de civiliser les nouveaux Nouveaux Mondes issus de l’œuvre civilisatrice. Or, la proposition du Président de la République aboutit exactement au contraire !

Qui a dit que la nomination par le CSA du président de France Télévisions était hypocrite ? Lui, pas nous ! Il est tout de même drôle qu’il appelle l’hypocrisie à son secours pour montrer que lui n’est pas hypocrite...

Oui, le monde a changé, mais de là à dire que tout, en France, doit devenir une entreprise, jusqu’à l’hôpital... Les hommes et les femmes ne sont pas des produits au même titre que le sel ou le fer ! Ce sont des êtres, et il n’est pas question de les gérer comme une entreprise. Telle est la grande question d’aujourd’hui.

La concurrence évoquée par M. Longuet est totalement faussée. On dit que le nouvel esprit des lois est la concurrence libre et non faussée. Mais c’est le principe inverse qui sous-tend ce projet de loi : on crée les conditions pour que l’Etat, devenu une entreprise, soit battu !

S’agissant du domaine culturel, qui a quand même un lien avec notre débat et avec Mme la ministre de la culture, je prendrai l’exemple de la grande exposition Picasso et les maîtres. C’est une merveille, et je félicite tous ceux qui y ont travaillé. Mais le problème actuel tient au fait que cette exposition rapporte de l’argent !

Les trois directeurs des trois grands musées que sont le musée national Picasso, le musée d’Orsay et le musée du Louvre, pourtant des hommes incontestés et incontestables, viennent, sans s’en rendre compte, de passer du côté de la bataille d’entreprise : ils revendiquent 75 % des bénéfices que l’exposition procure, et Mme la ministre a bien du mal à s’en sortir !

Hier soir, en lisant une note sur l’inaliénabilité des œuvres, qu’ai-je découvert ? Le contraire des propos de M. Jacques Rigaud, qui a dit, argument à l’appui, qu’il ne fallait pas suivre cette voie-là.

Le règne de l’argent dans l’organisation et la gestion des biens communs, qu’ils soient nationaux, locaux ou internationaux, est une gangrène ! Et même les meilleurs des femmes et des hommes finissent par être atteints.

Il faut qu’Henri Loyrette gère « son Louvre », où il fait de grandes choses ! Je suis allé voir les manifestations organisées avec Pierre Boulez : c’était un vrai bonheur artistique et humain. Il n’empêche qu’Henri Loyrette, obligé de compter comme un chef d’entreprise, va se retrouver différent de ce qu’il est réellement !

Cela dit, c’est un vrai problème et c’est une véritable bataille qui s’engage. Lorsque nous discuterons tout à l’heure de l’accord des producteurs, vous verrez comment s’insinue cet esprit d’entreprise. Mais l’État n’est pas une entreprise ! La création n’est pas non plus une entreprise ; on s’y casse le nez rapidement. Quant au courage dont vous parlez, il faut en avoir, c’est vrai !

À ce propos, madame la ministre, le Président de la République vous a qualifiée de « Mère courage ». Mais il devrait lire la pièce de Brecht.

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