Intervention de David Assouline

Réunion du 13 janvier 2009 à 16h00
Communication audiovisuelle — Article 9

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Sur cet article, nous avons déposé un amendement visant à supprimer le pouvoir accordé au Président de la République de révoquer les présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, même dans le cas où celui-ci serait encadré par le dispositif proposé par la commission, que nous examinerons tout à l’heure.

On nous objectera que cette prérogative n’est, juridiquement parlant, que le strict parallèle du droit de nomination des mêmes présidents conféré au chef de l’État par l’article 8. Pourtant, l’affaire est trop grave pour être cantonnée à la seule logique du droit.

Nous n’insisterons pas sur l’hypocrisie consistant à revêtir la décision du Président de la République de l’onction d’une autorité, le CSA, qu’il tiendrait à sa main, comme il tient d’ailleurs largement à sa main la majorité parlementaire – on l’observe chaque jour – en tant que chef autoproclamé de celle-ci et leader de l’UMP. Une telle situation disqualifie d’office – la commission en est elle-même convenue – le dispositif proposé à l’article 9 dans le projet de loi initial.

Cependant, le droit de révocation n’est pas seul en cause : fondamentalement, nous l’avons dit à plusieurs reprises, c’est bien l’ensemble de la procédure donnant au Président de la République la prérogative de nommer et de révoquer qui constitue une régression démocratique sans précédent.

Avez-vous bien conscience, madame la ministre, que les parlementaires de l’opposition ne sont pas les seuls, aujourd’hui, à se mobiliser, aux côtés des personnels de l’audiovisuel public et de nombre d’intellectuels, contre le bon plaisir du chef de l’État ? De très nombreux journalistes et de plus en plus de citoyens ont fait publiquement part de leur désapprobation. Le sondage réalisé par l’institut CSA, en décembre dernier, pour le compte du Parisien -Aujourd’hui en France montre que près des trois quarts des Français jugent la « nomination du président de France Télévisions par le Président de la République » comme une « mauvaise chose ». Méditez ces résultats, mes chers collègues !

Le débat mené à l’Assemblée nationale sur les questions de la suppression de la publicité, sur la compensation de la perte de recettes et la nature de la taxe à prévoir est passé largement au-dessus de la tête des Français. On n’a d’ailleurs pas trop cherché à les interroger sur ces sujets, car on s’attendait à des réponses compliquées. Cependant, je le répète, à la question : « Êtes-vous pour que le Président de la République nomme le président de France Télévisions ? », les trois quarts des personnes interrogées ont répondu : « non ». En effet, les Français, qui ont une conception moderne de la démocratie, souhaitent que les médias soient indépendants. Osons affirmer, dans cet hémicycle, que leur jugement est, en l’occurrence, juste, d’autant qu’il est nourri de l’expérience de vingt mois de présidence Sarkozy, marquée par tant d’inquiétantes atteintes aux libertés.

Essayons d’éclairer nos collègues de la majorité sur la philosophie qui anime leur chef incontesté dans sa volonté de brider le pluralisme de l’information et l’indépendance des médias.

Convenez, mes chers collègues, que le président Sarkozy aurait tout à fait pu tenir le propos suivant : « Mais qui êtes-vous les journalistes ? Vous n’exprimez que des intérêts particuliers. Moi, je représente l’intérêt général, car j’ai été élu par le peuple ! Vous, vous ne représentez que vos lecteurs. »

Pourtant, c’est non pas l’hôte actuel de l’Élysée qui a émis ce jugement d’un mépris sans comparaison pour la presse, mais Napoléon III ! Malheureusement pour notre démocratie, les ressemblances de cette sorte sont trop nombreuses, certaines paroles et certains actes trop concordants pour que, une fois n’est pas coutume, comparaison ne soit pas raison.

Tel est donc le penchant de notre actuel Président de la République, dont on ne peut cependant contester la légitimité démocratique. Il faut le rappeler, si le principe majoritaire est effectivement incontestable dans le fonctionnement d’une démocratie, l’exercice du pouvoir qui en est issu doit rester soumis à des contraintes supérieures sans lesquelles l’État de droit n’aurait aucune existence.

Dans une démocratie, le pouvoir politique doit ainsi préserver certaines procédures et certaines instances du jeu des intérêts partisans. Parmi ces instances, il faut évidemment ranger les organismes du service public de la communication audiovisuelle ; parmi ces procédures, il est logique de compter celle qui a pour objet la nomination – et sa contrepartie : la révocation – des dirigeants de la radio et de la télévision publiques.

C’est pourquoi il est essentiel de ne pas attribuer au Président de la République le pouvoir de révoquer les présidents des sociétés de l’audiovisuel public, ce qui relativiserait substantiellement son pouvoir de nomination.

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