Il est très important que nous nous expliquions sur cette question complexe.
Selon vous, madame la ministre, ce projet de loi ne change pas fondamentalement les choses. Si vous pensez vraiment ce que vous dites, ce dont je ne doute pas, je ne comprends pas pourquoi vous proposez de modifier la loi existante.
La formulation actuelle est la suivante : « Ces sociétés peuvent faire parrainer seulement celles de leurs émissions qui correspondent à leur mission en matière éducative, culturelle et sociale, dans des conditions déterminées par ces cahiers des charges. » Cette formulation qui restreint et encadre le parrainage nous convient parfaitement.
Vous, vous proposez une nouvelle rédaction qui élargit le parrainage à toutes les émissions, hormis les restrictions introduites par l’Assemblée nationale ! C’est pourquoi je soutiens les amendements qui ont pour effet de limiter le parrainage.
J’ai entendu les propos de notre excellent rapporteur Michel Thiollière. Pour ma part, je ne suis nullement convaincu par la distinction entre, d’un côté, la publicité qui s’affiche comme telle et, de l’autre, le parrainage de la marque X.
Le parrainage est une façon beaucoup plus subtile, voire beaucoup plus perverse, de faire de la publicité. Il n’est pas dit en effet : « Notre produit est le meilleur ! », ce que les gens ne croient d’ailleurs pas forcément. Il est dit : « Regardez comme nous sommes bons : nous vous permettons de bénéficier de la météo ou de cette belle émission. »
Dans ce domaine, il faut être extrêmement vigilant, et je pense que les dispositions actuelles ne méritent pas d’être modifiées, sinon, peut-être, dans le sens d’un encadrement plus strict.
Prenons des exemples très concrets.
Si une émission littéraire est parrainée par une maison d’édition, le journaliste aura-t-il toute latitude de dire que tel livre publié par l’éditeur en question est absolument nul ? Il est hautement probable que le parrain prendra son téléphone pour rappeler au journaliste l’origine du parrainage.
Autre exemple, qui nous est plus familier encore : celui des collectivités locales, auxquelles on fait souvent appel pour parrainer une émission. Imaginez une émission sur la gestion de telle commune, de tel département ou de telle région. Je suis très réservé sur les modalités de financement de ces émissions. En effet, si des collectivités locales veulent s’offrir des campagnes de communication, qu’elles se les offrent, ce que certaines ne manquent d’ailleurs pas de faire ! Comment le journaliste pourra-t-il réaliser en toute indépendance son émission si celle-ci est parrainée ? Se permettra-t-il d’évoquer une gestion qui laisse à désirer, un budget bancal ou une réalisation inopportune, critiquée par la population ? Donnera-t-il la parole à l’opposition ? Le parrain sera-t-il d’accord ?
Je persiste donc à penser que ces situations sont ambiguës : il faut conserver la loi telle qu’elle est, car il n’y a pas de raison de la modifier.