Intervention de Yvon Collin

Réunion du 10 juin 2009 à 14h30
Débat sur le service civil volontaire

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

… au-delà des clivages partisans, des pistes pour revoir en profondeur un système manifestement insatisfaisant.

Monsieur le haut-commissaire, vous avez vous-même rouvert le dossier du service civil, notamment dans le cadre des réflexions menées sur la mise en place d’une nouvelle politique en faveur des jeunes. Pouvez-vous nous donner aujourd’hui des détails sur le calendrier et le budget de votre projet, qui semble plutôt maintenir le caractère volontaire du service civil ?

Nombre de parlementaires ont défendu l’idée de la création d’un service civil qui serait obligatoire. Je ne ferai pas un inventaire à la Prévert, mais indiquerai simplement que de très nombreuses propositions de loi et questions sur ce thème ont été déposées dans les deux assemblées. Une proposition de loi socialiste a même été examinée en séance publique à l’Assemblée nationale à la fin de l’année 2003, mais elle a été rejetée faute d’accord sur les modalités du service proposé. En effet, encore une fois, c’est sur les modalités que doit porter le débat : volontaire ou obligatoire ? Long ou court ? Quelles offres proposer aux jeunes ? Comment renforcer au quotidien le sentiment de citoyenneté ? Comment faire de ce service un véritable creuset républicain ?

À la suite des émeutes survenues dans les banlieues en 2005, notamment face au malheureux constat d’échec de la politique en direction de la jeunesse qu’elles traduisaient sans doute, un dispositif de service civil volontaire, celui qui est actuellement en vigueur, a été mis en place par la loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006.

Ce nouveau dispositif, a minima selon moi, a pour objectif de permettre à des jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans de s’engager pour accomplir une mission d’intérêt général pendant une période de six à douze mois dans une association, une collectivité locale ou encore un établissement public. Mais combien de jeunes potentiellement concernés sont-ils au courant de ces possibilités ?

L’idée est évidemment de tenter de recréer ainsi du lien social, de permettre à des jeunes parfois à la recherche de repères de s’engager au service des autres en acquérant, grâce à cette expérience, une éducation civique et citoyenne offrant de sérieuses perspectives d’insertion. L’objectif est bel et bien de combattre l’individualisme, qui engendre incivilité et violence et qui dilue le sentiment d’appartenance à une collectivité nationale. Mais attention, ce service ne doit pas devenir une voie de secours réservée aux seuls jeunes en situation d’échec scolaire et en mal d’insertion. Il doit être gratifiant pour le parcours du jeune. C’est le meilleur moyen de le valoriser !

Près de trois ans après le début de la mise en œuvre du dispositif, le bilan me semble décevant. Monsieur le haut-commissaire, nous attendons de votre part une lecture objective – nous vous connaissons, et nous n’avons pas d’inquiétudes à ce sujet –, ainsi qu’un bilan à la fois qualitatif et quantitatif du service civil volontaire dans sa forme actuelle. Sans doute devrez-vous également tracer des pistes concrètes pour l’avenir.

Les jeunes qui ont bénéficié de cette expérience la jugent unanimement enrichissante d’un point de vue tant professionnel que personnel et citoyen. Pour certains, ce service civil constitue une première expérience professionnelle qui leur apporte un savoir-faire. Pour tous, elle représente une ouverture sur la société avec l’acquisition d’un savoir-vivre, notamment grâce à la rencontre d’autres personnes venues de divers horizons et à l’apprentissage du civisme, ce dont – chacun en conviendra – nous avons bien besoin.

En préalable, je rappelle que ce dispositif devait concerner progressivement jusqu’à 50 000 jeunes en 2007. Or, si mes chiffres sont exacts, seuls 3 134 volontaires ont été recrutés depuis la création du dispositif. Actuellement, 2 800 jeunes seulement effectuent un service civil volontaire.

Ces chiffres portent à croire que le dispositif reste très fragile. Cela est dû à plusieurs éléments. Il semble que cette formule souffre d’un réel déficit d’information et de visibilité pour les jeunes, de la lourdeur, de la complexité et de l’opacité de ses procédures. Pour l’heure, le dispositif proposé manque également, me semble-t-il, de souplesse et d’adaptabilité. Cela rendra difficile son élargissement, réclamé par le groupe du RDSE et le parti radical de gauche, élargissement indispensable à son adaptation aux besoins de notre société.

Puisqu’il nous faudra sans aucun doute créer un nouveau dispositif pour rendre le service civil plus conforme aux attentes de chacun, des jeunes en tout premier lieu, nous devons aujourd'hui nous interroger précisément sur les différentes caractéristiques qu’il devra revêtir.

Avant tout, l’appellation même du dispositif peut faire l’objet d’un débat. Au nom du rappel symbolique des droits et des devoirs des citoyens envers leur pays, l’expression « service civique » pourrait être préférée, car elle traduit mieux le lien avec la notion de citoyenneté et, plus encore, avec celle, si chère à mon groupe, de « civisme ».

Par ailleurs, nous devons nous poser toutes les bonnes questions s’agissant de la mise en œuvre de ce service, et nous sommes ici pour le faire.

Tout d’abord, il s’agit évidemment de définir qui sera concerné par le nouveau dispositif. Aujourd'hui, personne ne semble remettre en question le fait que ce service doive s’appliquer aux hommes et aux femmes. Mais à quel âge et à quel moment de la vie ? Il conviendra également de préciser quelles seront les dispenses et leur nature.

La question de la durée du service fait ensuite débat. Pour certains, le service pourrait être scindé en plusieurs périodes. Ce fractionnement pourrait se révéler plus aisé à mettre en place, notamment d’un point de vue budgétaire. Mais une durée d’au moins six mois consécutifs permettrait à mon avis d’asseoir beaucoup plus solidement et durablement la crédibilité et l’intérêt du dispositif. Certains pourraient le prolonger par un semestre supplémentaire et effectuer ainsi un service d’un an.

Par ailleurs, il convient de réfléchir sérieusement à la nature des tâches qui seront assignées aux citoyens effectuant ce service, que nous souhaitons, je le répète, civique. Il est important de préciser les structures d’accueil où ce dernier pourrait se dérouler. Cela permettra notamment de définir qui encadrera le déroulement du service et de connaître plus précisément le montant des crédits nécessaires à la mise en place du dispositif. Une telle mesure aura un coût certain pour les caisses de l’État, mais nous sommes sans doute tous d'accord pour dire qu’il s’agit d’une très bonne cause : la formation de notre jeunesse. Il n’y a pas meilleur investissement pour un pays !

On pourrait aussi imaginer un service civique qui se déroulerait en tout ou partie à l’étranger. À l’époque du service militaire, c’étaient souvent les fils des classes aisées qui partaient en coopération. Là, il faudrait au contraire ouvrir la possibilité de partir aux jeunes issus des couches populaires. L’exemple du formidable succès du Volontariat international en entreprise ou en administration doit nous encourager dans cette voie... Il faut développer le service civique.

Ensuite, la nature de ce service devra être clairement définie. S’agira-t-il d’un nouveau « droit » comparable au droit à l’éducation par l’école ou d’un « devoir », c'est-à-dire d’une obligation dans l’intérêt de la nation, à l’image de ce que représentait le service militaire ? De la réponse à cette question découle aussi la nature des contreparties que les citoyens seront en droit d’attendre ou pas de ce service.

Au-delà d’une rémunération financière classique, qui est nécessaire – tout travail mérite salaire –, on pourrait imaginer pour les jeunes un système de validation des acquis de l’expérience et d’obtention de différents avantages, comme le permis de conduire, une formation professionnelle ou, pour leur future carrière, un bonus de points dans la fonction publique, une priorité pour les choix des postes, des facilités dans l’évolution de leur parcours et des évolutions de carrière. En résumé, cette étape doit être gratifiante. Elle pourrait aussi devenir créatrice de droits en matière de cotisations d’assurance maladie, voire de retraite. Le succès du dispositif repose sur son attractivité. Il doit être un atout, et non un handicap, pour les jeunes.

J’en viens à la principale question, qui est aussi la plus complexe. Le service civique devra-t-il être volontaire ou obligatoire ?

Actuellement, le service civil est fondé sur le volontariat. Mais des voix s’élèvent sur toutes les travées pour réclamer un service obligatoire. C’est aussi ma position.

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